La Guinguette du parc de Forest: les buvettes rallument leurs lampions dans les parcs Bruxellois
Une bicoque du parc de Forest ressuscite en guinguette ce 15 juillet. Après le bar Eliza à Koekelberg ou la buvette des archers à Josaphat, ce refuge végétarien éphémère amène la cantine saine entre gazon et bac à sable. Derrière cette tendance, des initiatives citoyennes.
Publié le 15-07-2016 à 13h00
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L’image d’Épinal du parc nous renvoie ces souvenirs de kiosques et buvettes, souvent des casemates de bois ou de briques prolongées d’un préau de béton, où l’on s’attablait pour un thé, un verre de vin ou, plus tard, une canette de chope ou de coca et un «frisko» ou un «calipo». Mais aujourd’hui, les fantômes peuplent ces bicoques. Défraîchies, voire décrépies, elles sont souvent à l’abandon. Quand elles ne sont pas reprises par les oiseaux de nuit ou transformées en toilettes pour chats.
Mais la tendance s'inverse. D'abord, il y a eu la réouverture de la Buvette Sint-Sebastiaan au parc Josaphat à Schaerbeek au printemps 2015. Cet été 2016 voit deux autres parcs emblématiques s'animer de guinguettes ressuscitées: le parc Élisabeth à Koekelberg avec le Bar Eliza, et le parc de Forest, à la frontière avec Saint-Gilles. Pas banal: ce sont des riverains qui y empoignent scies sauteuses, pinceaux et fouets à pâtisserie. Voire leur carte de banque puisque ces deux projets ont été financés par crowdfunding.

«J’ai deux enfants»
«J'ai deux enfants. À force de me promener au parc, j'ai eu l'idée d'y restaurer cette buvette», se souvient Alice Billiet, dont la Guinguette du Parc de Forest ouvre ce vendredi 15 juillet. «Le parc ne manque de rien. Mais ces petits locaux à l'abandon génèrent un sentiment pas très positif. Un parc public doit offrir quelque chose à la population. Ne pas entretenir ses constructions, c'est donner bien peu d'importance à ce qu'attendent les familles».
Avec Arnaud Bingoni, Alice se tourne vers la Commune de Forest. Actifs dans l’horeca, spécialistes du slow food et des cuisines bio, végétarienne voire végétalienne «sans extrémisme», les associés proposent un refuge sain, ouvert sur le parc et ses communautés. Jus frais, tapenades, wraps, toasts et bières locales...: leur carte est alléchante. Dans leur décor de palettes récupérées, ils proposent aussi des contes, des concerts, du yoga, un potager urbain... Bref, ils promettent un petit volet social, assurent qu’ils iront «plus loin que l’ouverture d’une buvette».
«En Europe, les parcs sont investis»
«Emballée», la Commune de Forest accepte donc de leur prêter l’ancienne cahute à glaces. «Tout l’été, pendant 4 mois», précise Denis Dalmans, attaché de presse, qui reste prudent quant au futur. «On sera attentif aux réactions pour voir si on peut prolonger. Il faudra peut-être intégrer ça dans les contrats de quartier».
Quoi qu’il en soit, la récolte de fonds sur KissKissBankBank gonfle rapidement. «Plus de 180 donateurs» remplissent la tirelire jusqu’à près de 8700€. C’est l’emballement, comme pour le Bar Eliza qui a levé plus de 15.000€ au pied de la Basilique. «La motivation vient de la population parce qu’il y a une certaine démission du service public», pense Alice Billiet. «Le buzz prouve que les usagers du parc attendaient que les choses bougent. Les communes pourront se défendre. Mais quand on voyage en Europe, à Berlin, Paris ou Copenhague, on voit que les parcs sont investis autrement qu’à Bruxelles. Ce sont des budgets, d’accord, mais pas incroyables».
«Ce n’est pas la zone»

Du côté de Forest, on se défend effectivement. «Les grands espaces verts ne sont pas faciles à gérer pour une commune», argue Denis Dalmans. «Et avec l’humidité sous les arbres, c’est encore plus compliqué de garder ces bâtiments dans un état correct. Mais le collège fait un réel travail pour éviter la ruine. L’objectif immédiat est de réaménager deux ou trois chemins qui deviennent vétustes, et de revaloriser le square du parc Duden à la vue exceptionnelle sur le Palais de Justice». La Commune a-t-elle mis en garde les tenanciers de la guinguette d’un possible vandalisme? «Ce n’est quand même pas la zone là-bas».
Mais le parc, ce havre de calme, de verdure, au cœur du tintamarre urbain, est-il l’endroit où développer des bars et des DJ-sets, même saisonniers? D’autant que les cantines slow-food pullulent dans le quartier. «Les gens doivent y être bien», plaide Alice Billiet. «Nous, on y concourt avec ce qu’on fait le mieux: la “good food”. Et les voisins nous y aident, en bricolant ou en peignant. Une buvette dans un parc, ça se défend. Dès qu’on sort de Bruxelles, on voit que les parcs sont des endroits festifs. Et puis, le bac à sable ici est bien moins dangereux pour les enfants que les terrasses de la place Albert ou du Parvis».
Et donc plus reposant pour leurs parents.
