Après Paris et la France, les Bruxellois tentent de se mettre debout
Si depuis le 1er avril des Français campent place de la République, à Paris, pour (notamment) protester contre la réforme du droit du travail, le mouvement «Nuit debout » tente de se déplacer à Bruxelles.
- Publié le 07-04-2016 à 07h00

C’est sur Facebook que la version bruxelloise des «nuits debout parisiennes» est née. Avec pour objectif de transformer la colère en initiatives positives, rapidement, l’événement s’est répandu telle une traînée de poudre sur la toile. Plus de 3500 personnes intéressées, 991 participants signalés, le premier rendez-vous, qui étaient annoncéshier soir dès 19h à la place des Barricades, à côté de Madou, avait de quoi intriguer.«A la manière de nos amis français, nous réapproprier l'espace politique passe aussi par la réappropriation de l'espace public. Ces Nuits Debouts ne sont pas revendicatrices. Elles sont politiques. Elles se veulent un lieu d'échange, de manifestation au sens premier du terme», anonçaient les organisateurs qui préféraient ensuite se montrer discrets, pour ne pas donner de visage au mouvement dans un premier temps.

Si beaucoup s’étaient annoncés sur les réseaux sociaux, ils étaient logiquementmoins nombreux«en vrai», à l'heure du rendez-vous, on a d’ailleurs d’abord cru que la réunion nocturne allait rapidement faire plouf. Ils n’étaient que quelques-uns, tous un peu timides, à s’être présentés à l'heure annoncée, mais petit à petit, les rangs ont fini par grossir. Au total, ils devaient être environ 200 à s’être joint à ce tout premier rassemblement qui, les présents l’espèrent, en appellera d’autres. Loin de la mobilisation française peut-être, mais un bon début pour la plupart des personnes présentes. «On aurait pu être beaucoup plus, mais c’est déjà pas mal », lance Capuche, un militant, juste après avoir attrapé le micro. La manifestation s'est en tout cas tenue dans le calme et ledialogue, sans l'intervention de la police comme ce fût le cas certains soirs en France.
Benoît, Élodie, Adrien, Petite Barbe, Grand Chapeau,etc. beaucoup de curieux dans les rangs, quelques leaders, mais qui refusent le titre, impossible d’en définir un profil type: ils sont jeunes (surtout), vieux (un peu), plutôt de gauche (mais les symboles politiques sont prohibés), avec une canette à la main (parfois) et à majorité francophone. «C’est une sortede mai 1968 tout gentil », entend-on chuchoter dans les rangs.

Au cours de cette première sortie nocturne, les participants auront beaucoup discuté, mais sans vraiment décider. Ce n'était, apparemment, pas le but.Après des débuts brouillons, les orateurs se sont succédés au micro posé sur une chaise au milieu de la petite place. Alors que le mouvement est désordonné, c'est Adrien, mais qui préfère qu'on l'appelle Michel, parce qu'il n'est pas la visage du mouvement, tente d'organiser le temps de parole de chacun, le micro dans une main, un carnet dans l'autre pour n'oublier personne.
On a parlé (beaucoup), pour ne rien dire (parfois) d’autre monde, de meilleure démocratie, des vilains médias, de fusion des polices même et de biens d’autres choses. Dans la foule, les mains se lèvent, s’agitent, tournent sur elles-mêmes, forment une croix, pour signaler à l’orateur qu’il est soutenu, qu’il doit synthétiser son discours ou tout simplement passer le micro à quelqu’un d’autre. Petit à petit, le système se met en place comme dans la ville lumière.
Simon, puis Jean, qui ont vécu les «nuits debout » à Paris, viennent raconter ce qu’ils ont vu, comment, à plus de 300 kilomètres de là, le mouvement se structure, s'organise,après plusieurs nuits dans le froid. «Vous avez le bonjour des Parisiens », lance d’ailleurs Jean. «On risque de déranger, de se faire intimider ou même déloger. On est un mouvement pacifiste, mais ferme. On ne doit pas se laisser faire», insiste Simon de son côté.

Si à Paris, le mouvement s’est mis en place, à la base, contre la loi El Khomri sur la réforme du travail, avant de dévier sur bien des sujets désormais, le petit frère bruxellois n’est pas basé sur de réelles revendications pour l’instant. Il donne l’impression de se chercher un peu, de vouloir faire à la manière de, parce que cela se fait là-bas.«Notre El Khomri, c’est un peu ce paradis fiscal que nos politiques tentent de passer sous silence (NDLR,en référence à l'affaire des Panama Papers)», cherche àconvaincre au micro un grand gaillard, veste en cuir, la trentaine. «On pourrait aussi s’insurger contre l’achat des remplaçants des futurs F-16 », propose un autre. Par moments, tout ça semble sonner un peu vide, un peu creux.Certains participants ne s’en cachent d’ailleurs pas. «Mais nous avions besoin de nous retrouver, de sortir dans la rue, ajoutent-ils rapidement. Cela fait du bien de voir autant de monde. On ne s’attendait pas à ça.»

Après quelques heures de palabre, un premier sujet est soumis au vote. L’objectif de ce premier soir est surtout de structurer la suite du mouvement. Aux quatre coins de la place, des commissions se mettent en place. Logistique, artistique, médiatique, elles viendront faire rapport plus tard à l’assemblée générale. On a, par moments, l’impression d’assister à un grand jeu de rôles, mais les participants semblent convaincus. C’est le futur lieu de rassemblement qui est soumis aux bras de la foule. La place des Barricades n'étaient que le commencement. Elle n'est pas assez visible.Anneesens, Porte de Hal ou Mont des Arts notamment, c’est le troisième qui est finalement désigné comme endroit symbolique de ce mouvement qui tentede se mettre… debout.
Alors que la nuit est déjà largement tombée et que la foule semble se dégarnir peu à peu, les discussions se poursuivent, nous on préfère s'éloigner,rendez-vous est donnéce jeudi à tout le monde sur les marches du Mont des arts, au pied de la statue du Roi Albert 1er, pour une seconde«nuitdebout » à la sauce bruxelloise.


