Bilan à mi-mandat : une majorité en équilibre instable mais qui tient le cap à Jemeppe
La vie au pouvoir n’est pas un long fleuve tranquille pour la quadripartite. Mais elle tient bon, aussi grâce à un nom de la minorité: Joseph Daussogne.
- Publié le 29-01-2016 à 13h18
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Si la politique est un sport d'équilibriste, c'est dans un exercice avec un fil tendu par grand vent et sans filet que se sont lancées il y a trois ans Stéphanie Thoron et sa (très) courte majorité quadripartite, MR, cdH, Écolo et SEL. Mais, avec un positivisme dont elle se départit rarement et qui fait sa force, la bourgmestre en sourit: «À ceux qui nous voyaient aller très vite dans le mur, je rappelle que nous sommes toujours là…»
À treize seulement contre douze membres de la minorité au conseil, ils ont déjà connu quelques épisodes un peu tendus. Deux fois pour raisons de santé ou personnelles un membre du collège a été absent. Et une troisième fois, début 2015, le MR Jacques Culot a fait mine de claquer la porte et de siéger comme indépendant. Moyennant un gros débriefing, une grosse pression et des concessions, il est rentré dans le rang. Mais la majorité a clairement tremblé, tout comme lors de la scission du groupe SEL où on s’est demandé si les deux élus (Delphine Hachez et Frédéric Lefèvre à l’époque) resteraient fidèles au pacte.
De l'autre côté de la table, ceux qui furent élus sous le label «liste du mayeur» et ont perdu le pouvoir, ne manquent pas une occasion de le rappeler: «C'est une majorité fragile tant numériquement que structurellement», martèle le chef de file Philippe Carlier. Le socialiste ne sort pour ainsi dire pas de chez lui sans un protocole de motion de méfiance sous le bras. Et, avant de parler de 2018, il lâche souvent un sourire en coin: «Il peut encore s'en passer des choses en trois ans.»
Parce qu'effectivement, cette fragilité et également de sérieuses tensions internes ont déjà fait pas mal réfléchir les membres de la quadripartite. «À quatre, il faut faire des concessions», admet Stéphanie Thoron. Parfois jusqu'au grand écart à la limite du supportable. Dans les rangs de la minorité, et en coulisses dans la majorité aussi, on commente cyniquement: «Quand il y a un coup de gueule et un blocage, pour s'en sortir, on donne à chaque échevin ce qu'il veut en déliant les cordons de la bourse. On a la chance d'avoir des sous en caisse.»
Daussogne, ciment de la quadripartite
Néanmoins, de source sûre, on sait que deux au moins des alliés du MR ont déjà discuté sérieusement avec les socialistes. Et, à nouveau, tout autour de la table, personne n'est dupe de la raison qui fait qu'aucun n'a encore fait le pas. Et cette raison a un nom: Joseph Daussogne. Ce qui a fédéré MR, cdH, Écolo et SEL à l'époque, c'est la volonté de faire tomber le vieux mayeur. Et aujourd'hui encore, tant qu'il est là, c'est virtuellement lui qui récupère l'écharpe si «sa» liste signe avec l'un ou l'autre partenaire pour renverser la quadripartite. Et ça, personne n'en veut. Même au sein de la minorité où les socialistes (rappelons que Daussogne a été exclu du PS) reprennent des couleurs et s'affranchissent de son autorité depuis 2012. Est-ce sa présence qui leur a coûté le pouvoir? Aurait-il fallu monter une liste PS sans lui? Philippe Carlier a fait l'analyse: «Certains me disent que j'aurais dû le faire. A posteriori, c'est évidemment facile à dire. Mais de toute façon, je ne pense pas que ça aurait été une bonne idée. S'il y avait eu deux listes, une PS et une liste du mayeur, combien de sièges aurait eu chacune? On aurait perdu des électeurs dans l'aventure.» De toute façon, il dit ne pas aimer les «uchronies» et la politique-fiction et se tourne surtout vers 2018 avec l'intention claire, cette fois, de mener avec d'autres (lire ci-dessous) une vraie liste socialiste. Et de retourner au pouvoir. Forcément.
En face, les fans les plus enthousiastes de la quadripartite ont émis l'idée d'une future liste commune. Ce qui ne serait sans doute pas un bon calcul stratégiquement. Ce serait la meilleure solution pour gaspiller le précieux siège qui change tout. Or, pour Stéphanie Thoron et le MR, l'objectif est clair, pas question de renoncer au mayorat: «Je ne pensais pas être bourgmestre en 2012. Mais maintenant, je me suis prise au jeu et je me battrai pour le rester.»

Des engagements et des investissements
Depuis trois ans, la majorité a indéniablement investi et engagé du personnel. Trop même, selon la minorité.
La nouvelle majorité a eu cette chance, et elle ne le nie pas, d’arriver au pouvoir avec des moyens financiers importants. Un bas de laine accumulé notamment grâce à Joseph Daussogne et son équipe pendant plusieurs législatures.
Il permet au collège actuel de mener des projets d’envergure que peuvent se permettre peu de communes. Principalement, il a investi dans les bâtiments et dans le personnel.
Analyse contradictoire de ce bilan à mi-parcours…
1. Bâtiments: un retard à rattraper ou un déni du passé? Ce fameux bas de laine, la bourgmestre Stéphanie Thoron l'explique aussi par une austérité chronique dans le chef de son prédécesseur: «On a constaté en arrivant au pouvoir qu'on avait réellement un passif énorme à rattraper en termes d'entretien des bâtiments communaux. Les salles, le hall omnisports, les églises… Même à la piscine, où pas mal d'argent avait déjà été dépensé, à chaque fois qu'on finit un poste, on découvre autre chose.» Au point que personne aujourd'hui n'est capable de dire quand on y renagera. La quadripartite a décidé d'investir dans le patrimoine communal. Presque trop, selon Philippe Carlier: «Les résultats sont faibles pour deux raisons. D'abord parce qu'à force de vouloir tirer tous azimuts ils dispersent leurs efforts. Ensuite parce que sur une série de gros dossiers ils ont, par principe, remis en cause tout ce qui avait été fait auparavant. Comme si nous n'avions eu aucune bonne idée. Systématiquement, ils ont déchiré nos plans pour repartir de zéro.» Le chef de file de la minorité fait une exception pour l'extension de maison de repos et pour la résidence service de Spy où, dit-il, le président Jean-Pierre Sacré a eu «l'intelligence» de reprendre le dossier où il en était: «Mais pour le centre Gabrielle Bernard, l'église de Spy ou la maison communale de Ham, à chaque fois, il y a eu cette volonté de tout recommencer. Avec pour conséquence de perdre du temps, de l'argent et de voir des bâtiments se dégrader.»
2. Du personnel en plus. Des universitaires en trop? En commençant par la tête de l'administration et le recrutement d'un directeur général définitif (réglant un problème antédiluvien) et puis un directeur financier, le nouveau collège a largement engagé. C'était nécessaire: «Dix nouveaux postes, pour quatorze personnes, chiffre la bourgmestre. Là aussi, il y avait un déficit à rééquilibrer en termes de ressources humaines.»Mais la balance, estime Philippe Carlier finit même par pencher vers l'excès: «Au sein de son cabinet politique, la bourgmestre a été au maximum de ce qui était possible avec quatre équivalents temps plein et un universitaire.» Il n'a rien contre eux, le conseiller Carlier, mais il se demande si, à ce niveau, la Commune a besoin de tout ça: «On est passé de cinq à quatorze universitaire. C'est exagéré. Ce sont des gens qui coûtent bien plus cher et qui, comme ils n'ont pas de perspective de carrière à long terme chez nous, ne sont pas un bon investissement. Ce ne sont pas forcément les plus efficaces. Un gradué motivé d'évoluer le sera plus.»
«Beaucoup de dialogue et un projet commun»
Depuis le départ, Stéphanie Thoron a dû faire preuve de diplomatie. En interne au MR d’abord, où il fallait qu’elle s’impose en douceur comme la nouvelle cheffe de file.
Et puis avec ses partenaires: «Pour gouverner à quatre partis, il faut beaucoup dialoguer, c’est vrai. Mais c’est dans ma nature.» La communication est indiscutablement la «patte» de la bourgmestre. «Ceci dit, on nous dit fragiles mais à part ces trois fois, on n’a jamais été mis en difficulté.» Trois fois en trois ans, dira la minorité, ce n’est déjà pas si mal. Mais l’équipe au pouvoir est confiante: «On nous jugera sur notre bilan. Il est vrai que vu les délais administratifs, on n’a pas encore vraiment vu bouger les choses autant qu’on le voudrait concrètement. Mais une série de chantiers vont démarrer.» Et des avancées, il y en a, c’est évident. La bourgmestre a la petite enfance à cœur et l’a prouvé avec des nouvelles places d’accueil ouvertes, Jacques Lange (MR) a mis un coup sur les bâtiments, Jean-Paul Milicamps (MR) fait du gros boulot aux sports, Pierre Seron (Écolo) a géré le passage aux conteneurs à puce sans se laisser démonter par la minorité, Pierre-Collard Bovy (cdH) a créé de toutes pièces le service culture et Delphine Hachez (ESPRI) boosté le plan de cohésion sociale qui a pris une autre dimension. «C’est commode quand on n’a qu’à dépenser l’argent en caisse», tacle l’opposition. «Une Commune n’a pas pour vocation de thésauriser mais de rendre au citoyen l’argent de ses impôts au travers des services qu’elle offre», réplique la bourgmestre.