Loin du Salon, Transautomobile livre ses 4X4 «au gars perdu dans la brousse»
L’entreprise bruxelloise Transautomobile est spécialisée dans l’export. Si le 4X4 «tropicalisé» est son best-seller, elle écoule aussi des ambulances ou des voitures blindées. Et livre 2.000 véhicules par an, partout dans le monde, en 2 mois maximum. On est loin ici des vieilles guimbardes européennes en fin de vie...
Publié le 14-01-2016 à 09h50
Pour trouver la voiture qu'il leur faut, tous les automobilistes du monde n'ont pas toujours l'occasion de se rendre dans les salons blinquant de Francfort, de Tokyo, de Detroit ou de Bruxelles. C'est le cas de la plupart des clients de Transautomobile. L'exportateur hors taxes ucclois, spécialisé dans le 4X4, n'est d'ailleurs pas au Salon 2016: ce n'est «pas du tout» sa cible.
L'entreprise fondée en 73 s'adresse plutôt aux diplomates, aux ONG, aux expatriés, aux gouvernements ou «aux gars perdus dans la brousse». On rencontre le fondateur Roger Engels, qui emploie «une vingtaine de personnes», juste avant qu'il ne décolle pour le Portugal. Il y rejoint des clients de Guinée Équatoriale. «Dans le cadre de futures élections, ils ont besoin de véhicules», raconte le patron, qui a «peut-être vendu 25.000 voitures» dans une carrière tout juste couronnée d'une nomination aux «Brussels Best Exporters 2015». L'occasion de lever un voile sur un business vraiment atypique, à des milliers de km de la Petite Ceinture et du Ring.

Roger Engels, on a souvent l’image de ces vieilles guimbardes européennes en fin de vie qui partent vers l’Afrique: ce n’est pas vraiment votre métier...
Ça, c’est le travail du quartier Heyvaert, au canal. Je dirais qu’ils privilégient le «one shot»: un client achète une et une seule fois car il y a peu de suivi. Mais l’acheteur qui est à 20.000 km d’ici dans un trou perdu, que recherche-t-il? Un service, un interlocuteur fiable et réactif. Alors c’est vrai, en Afrique, il faut des voitures pour toutes les bourses. Mais nous, on refuse. Surtout que ces voitures ne sont pas adaptées aux normes tropicales.

Ces normes «tropicales»: qu’est-ce que c’est?
Ça signifie que les voitures sont équipées pour les pays chauds et humides. Nous réalisons ces mises à niveau. Ça peut concerner les suspensions ou le refroidissement renforcés, mais aussi des adaptations électroniques. Ainsi, l’injection à l’européenne est basée sur des capteurs placés sur le pot d’échappement. Ils analysent en permanence le mélange pour l’adapter. Dans les zones tropicales, ce système va tomber continuellement en panne car le carburant n’a pas la même qualité. Il est plus «sale».
Pourquoi vos clients n’achètent-ils pas directement en Afrique?
C’est difficile à comprendre pour un automobiliste européen car en Europe, le marché repose sur des structures bien établies: un importateur, des concessionnaires... En Afrique, ces structures coûtent très cher. Les opérateurs locaux reportent donc leurs frais dans le prix de vente. Nous travaillons avec une structure plus «light», sur différents canaux d’approvisionnement partout dans le monde. On analyse également les marchés, sur lesquels nous calquons nos prix. Le client paye donc en fonction du marché global, peu importe le pays où il se trouve.
Le passé historique de la Belgique en Afrique vous aide-il?
Ce n’est plus le cas, même si la diaspora zaïroise à Bruxelles a pu jouer à une époque.
Vous travaillez uniquement depuis Uccle?
Tout part d’ici, oui. Mais nous nous reposons aussi sur des relais avec lesquels nous travaillons depuis des années. Nous avons aussi 300 ou 400 véhicules parqués en permanence au port d’Anvers. Ce stock se compose des voitures qu’on vend le plus régulièrement, pour être réactifs.
Cette réactivité est capitale?
L’Africain n’est pas prêt à attendre 6 mois pour son 4X4. Mais s’il n’est pas dans la file au bon moment chez Toyota ou Mitsubishi, ces délais peuvent se présenter. Car personne n’ose stocker en Afrique, à cause de l’instabilité politique. Si dans ce contexte, le client se rend soudain compte qu’il a besoin d’une voiture dans les 2 mois, il doit déjà compter avec un mois de transport... Nous, on livre en 2 mois maximum, même si ça dépend du pays.

Vous parlez d’instabilité politique: vous fait-elle perdre des marchés?
Quand ça dégénère, c’est difficile de revenir. Par exemple actuellement, c’est le cas au Venezuela. Nous avions un contrat pour certains véhicules et suite à la baisse du pétrole et au changement de gouvernement, il n’y a plus de devises. Ils ne savent plus payer, donc je ne livre pas.

Quel est votre best-seller?
Le gros cheval de bataille, c’est Toyota. Ce sont des voitures fiables, dont les pièces sont disponibles partout. Les ateliers du monde entier peuvent donc se fournir facilement et le garagiste local connaît généralement les modèles. Mais on travaille aussi avec les véhicules de luxe comme Mercedes, Range Rover...
Votre client habituel, il ressemble à quoi?
L’an passé, on a vendu près de 3.000 véhicules dans plus de 100 pays. Mais on tourne plutôt autour de 2.000 d’habitude. La majorité des acheteurs sont des professionnels et 50% du chiffre se fait en Afrique. On vend à des entreprises, des ONG, des mines, des ministères, des douanes ou à l’armée. Et même à des présidents. On fournit aussi des dispensaires de brousse, des hôpitaux ou des aéroports.
Vous vendez donc des ambulances?
On est loin du SMUR à la belge: on parle plutôt de «transport de blessé», avec des branchements pour un baxter et de l’oxygène.
Et votre voiture préférée?
Vous savez, un Toyota pick-up, ça reste un Toyota pick-up...