«Lire et écrire»: un film, un jeu, un set pour sortir de l’Absurdie
Alphabétiser les adultes, c’est la mission que s’est assignée «Lire et écrire». Lutter contre l’absurdie du système, devient une autre priorité.
Publié le 05-09-2015 à 08h40
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Rosa a 31 ans. Elle travaillait dans une entreprise d’horticulture. La société a fait faillite. Rosa n’a plus de boulot. Un accident de la vie auquel tant de gens sont confrontés. Mais Rosa lit peu, pour ne pas dire pas du tout. Et elle n’écrit pas, à part son nom sans doute.
Au départ de cette situation, «Lire et écrire» propose un petit film de 4 minutes intitulé «Plongée en absurdie». On y découvre le parcours de Rosa aux prises avec de multiples institutions et services censés la suivre. Elle est conseillée et accompagnée pour rechercher du travail… ou bien une formation… ou une préformation… ou les deux, ou les trois, et dans quel ordre, à moins que ce ne soit le contraire… Elle est ballottée de l’un à l’autre pour finir par perdre ses droits sociaux.
Le film est percutant. Pas misérabiliste, mais froid, mécanique, comme une machine qui vous broie consciencieusement. Il vous ferait presque sourire mais vous en êtes gêné…
«Lire et écrire» pourrait se présenter comme la planche de salut à partir de laquelle Rosa va rebondir. Mais là n’est pas le propos. Ce que l’association entend montrer, c’est la très faible prise en considération de l’illettrisme dans notre société.
Or fait remarquer la directrice de Lire et Écrire HO, Dominique Brasseur, « dans une société qui devient toujours plus complexe, le niveau de compétences de base indispensables à l'intégration sociale s'élève aussi.» Et donc l'illettrisme devient de plus en plus handicapant. Philippe et Mustapha, deux des apprenants plus âgés de Lire et Écrire que l'on a pu rencontrer témoignaient tout à fait en ce sens. «Dans le passé, on trouvait encore du boulot. maintenant, ce n'est plus possible. […] Au début, les agences d'intérim nous accueillaient sans problème. Maintenant, elles ne veulent plus de nous.»
Des journées pour réfléchir
À quelques jours du 8 septembre, journée internationale de l’alphabétisation, Samuel Colpaert (Lire et Écrire Hainaut occidental), annonce une série d’événements de sensibilisation.
Le film évoqué ci-dessus, vous pouvez le découvrir à l'adressehttp://www.lire-et-ecrire.be/rosa. Il sera également projeté toute la semaine avant les séances d'Art et Essai à Imagix.
Surtout, il servira de lancement lors de sept matinées d’échanges que Lire et Écrire organise avec ses partenaires à Ath, Beloeil, Bernissart, Lessines, Mouscron, Péruwelz et Tournai, les sept communes de Wallonie picarde où l’association est présente.
Un jeu du pigeon conçu en Wallonie picarde
Lors de ces rencontres, les représentants des institutions qui sont quelque peu brocardées dans le film auront l’occasion de s’essayer au «jeu du pigeon».
À la différence du film qui est une réalisation extérieure à la Wallonie picarde, ce «jeu du pigeon» a été conçu par les apprenants de notre région. «Les idées sont vite arrivées… finalement on a détourné le jeu de l'oie et l'on rebaptisé jeu du pigeon parce qu'on a le sentiment de toujours se faire pigeonner» dit Sébastien (39 ans). «À travers ce jeu, on veut mettre les gens à notre place dans la galère, et montrer que ce n'est pas par choix. Le système ne va pas… et on veut les faire réfléchir avec nous! Je suis encore jeune et pour moi, il n'y a pas de sens, je tourne en rond… j'ai quitté l'école à 18 ans, et ça fait 12 ans maintenant que je galère pour trouver un emploi.» explique Wesley (29 ans).
Il s’agit donc d’une sorte de jeu de l’oie géant (avec aussi une petite allure de Monopoly) de 4 m sur 4. La case finale est intitulée «Bingo tu décroches un emploi»… Mais pour y parvenir, que d’embûches. Autant dire qu’on n’y arrive jamais. La seule manière de parvenir au bout, c’est de changer les règles, c’est-à-dire: formuler des propositions plus intéressantes que les dispositions actuellement en vigueur. Lesquelles démontrent chaque jour un peu plus leur absurdité.
Huit septembre et huit de septembre
Enfin, la journée de l’alphabétisation, le 8 septembre, coïncide avec le dernier temps fort de la ducasse d’Ath, «le huit de septembre». Pour l’occasion, l’opération de l’an dernier est amplifiée. Ce sont pas moins de dix mille sets de table «Voici Rosa» sur lesquels seront servis les moules et les frites de cette journée si chère au cœur des Athois.