Lumumba (presque) en chair et en os à Ixelles
Une reconstitution du discours historique de Patrice Lumumba, le 30 juin 1960 lors de l’indépendance du Congo, se joue à Ixelles 55 ans après. Les organisateurs veulent attirer les signatures sur la pétition qui réclame le baptême de cette placette de Matonge du nom du Premier Ministre congolais assassiné.
Publié le 30-06-2015 à 18h15
«Qui oubliera qu’à un noir on disait “tu”, non certes comme à un ami, mais parce que le “vous” honorable était réservé aux seuls blancs?»
Ces mots sont de Patrice Lumumba, prononcés le 30 juin 1960 à l'occasion de l'Indépendance du Congo. Alors Premier ministre, l'homme choque l'opinion par ces mots que le protocole n'a pas prévus. Le Roi Baudouin est le premier estomaqué.
Le discours est resté célèbre. 55 ans après, Ixelles a connu ce 30 juin une reconstitution de ce moment historique, pour le Congo, la Belgique, l’Afrique et le monde. Spécialiste de sa pensée, c’est Kalvin Soiresse Njall qui, costume noir, nœud papillon et lunettes à larges montures, a rejoué la scène sur une estrade dressée derrière Saint-Boniface, encadré par les drapeaux belge et congolais.
Le but: tenter de réunir des signatures qui feront poids sur la pétition qui ambitionne de nommer cette placette de Matonge du nom de Patrice Lumumba. Ce que la Commune d'Ixelles a déjà refusé en 2013, suggérant de nommer la place du nom «d'une personnalité africaine plus consensuelle».
Ce 30 juin au soir, la reconstitution sera prolongée par l’intervention d’historiens, journalistes et poètes puis par des concerts, ce avec l’autorisation de la Commune d’Ixelles. «Nous attendons plusieurs centaines de personnes», assure Antoine Moens de Hase, responsable d’Intal Congo, un organe de coopération qui organise l’événement main dans la main avec le Collectif «Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations» et l’ASBL Change qui travaille avec les jeunes de la diaspora africaine.
La responsabilité directe et indirecte de la Belgique dans l'assassinat de Lumumba le 17 janvier 1961 au Katanga fait encore aujourd'hui débat. Une plainte a d'ailleurs été portée auprès de la Justice belge par la famille du politicien, qui vise 10 personnalités belges de l'époque.
Antoine Moens de Hase, vous êtes responsable d’Intal Congo. Pourquoi faut-il une place Lumumba à Ixelles?
C’est d’abord une manière pour la Belgique de montrer qu’elle accepte que notre gouvernement de l’époque a sa responsabilité dans l’assassinat de Lumumba en 1961 et de reconnaître in fini que c’est lui qui avait raison. Ensuite, c’est aussi un symbole qui faciliterait les rencontres car il s’agirait d’une reconnaissance officielle de l’Histoire des Congolais de Belgique.
Lumumba a beaucoup de partisans. Mais a-t-il aussi des opposants dans la société congolaise?
Bien sûr aujourd’hui, Lumumba est devenu le symbole de la lutte contre la colonisation. Il est donc une figure célébrée dans le monde entier. Au Congo, disons que même les héritiers de la pensée de Mobutu s’en revendiquent encore. Cependant, il ne s’agit pour eux que d’une récupération de la figure de Lumumba comme symbole nationaliste, dans une logique qui conforte l’identité congolaise face à l’extérieur. Ce n’est pas notre façon de voir.
La pétition pour une place Lumumba à Ixelles fait-elle son chemin?
Elle compte 700 signataires, dont «seulement» 100 Ixellois. C’est le but principal de notre action festive du jour: renforcer le poids ixellois sur la pétition. Nous aimerions récolter 500 signataires ixellois et plusieurs milliers de Bruxellois.
+ Lumumba est évidemment un personnage éminemment polémique. Pour prendre position avant de signer la pétition pour une place à son nom, lisez les 8 arguments de ses défenseurs sur le site de Intal