José Bedeur, amoureux de jazz, sort son premier album à 80 ans
À 80 ans, José Bedeur vit toujours sa vie à cent à l’heure. Son histoire et celle de la musique à Huy se croisent dans ses souvenirs.
- Publié le 31-03-2015 à 08h00
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Pour évoquer la carrière du Hutois José Bedeur, il faudrait une édition spéciale de «L'Avenir» tant la vie de ce chercheur tout-terrain assoiffé fourmille d'étapes singulières. Au Conservatoire de Huy, il étudie le violoncelle, non par goût mais suite à l'opportuniste de M. Bernard, le directeur de l'époque: «Il m'a fait chanter une gamme et m'a dit: avec l'oreille que tu as, le violoncelle est l'instrument tout indiqué! En réalité, il manquait d'élèves dans cette section!»
Avec un diplôme de violoncelle en poche, il ne trouve cependant pas sa voie: «Il fallait être doué pour entreprendre une carrière de soliste ou entrer dans un grand orchestre classique et je n'avais pas envie d'être fonctionnaire-syndiqué!»
Il y avait à l'époque des bals et des thés dansants dans tous les coins de Huy et principalement à «L'Harmonie», promenade de l'île, avec sa grande salle et son kiosque; il manquait d'accompagnateurs et c'est là que José Bedeur s'est tourné vers la contrebasse: «En y mettant d'abord mes cordes de violoncelle, ce qui me donnait un son particulier: beaucoup de gens diront alors que je joue toujours dans l'aigu!» Il crée le «Melody Swing Quartet» (avec Fernand Launoy) qui écumera les salles de bal du bord de Meuse.
José Bedeur fera aussi partie des fondateurs du «JazzClub» de Huy dont les concerts se donnaient dans le grenier «Chez Begon» dans la rue Griange: «Beaucoup de bons musiciens s'y produiront comme Francis Boland, Milou Struvay…» Il se lancera vite dans une carrière internationale: des mois passés en Espagne, des prestations au mythique festival de Comblain, mais aussi à Juan-les-Pins ou à Prague. Sa réputation est telle qu'il accompagne les vedettes américaines de passage: Coleman Hawkins, Don Byas, Johnny Griffin.
Les sentiments le font revenir en Belgique où il se met à enseigner les langues germaniques, plus de musique: «J'irai jusqu'à revendre ma contrebasse!» Après dix années d'abstinence, il revient au jazz grâce à Charles Loos: «C'est lui qui me contacte pour l'accompagner! Reprendre l'instrument après tant d'années fut un vrai calvaire: les muscles se sont raidis, il a fallu de multiples exercices pour réassouplir les poignets et les doigts.»
Les activités musicales de José Bedeur sont entrecoupées d'épisodes qui le mènent à Paris pour étudier l'électro-acoustique et l'audio-psycho-phonologie, à Bruxelles pour la création d'événements artistiques, à Zolder pour travailler dans la mine, à Huy encore où il se met à fabriquer du pain: «J'avais découvert le levain. J'ai acheté un four et cuit du pain pour le voisinage, mais lorsqu'un magasin de produits naturels s'est ouvert près de chez moi, on m'a dit que je faisais de la concurrence déloyale, je l'ai bien compris et j'ai arrêté.» C'est à Huy aussi qu'il se convertit au bouddhisme: «Je suis allé à l'inauguration et j'ai pris refuge, comme on dit, chez les bouddhistes. Je pense que l'être humain a besoin de philosophie, et le musicien aussi.»
Son premier album à 80 ans
À 80 ans, voici (enfin) le premier album en co-leader du contrebassiste hutois. Privilégiant d’habitude le rôle dans l’ombre de l’accompagnateur, c’est avec le pianiste Charles Loos, son compère des années 80, qu’il sort « Le Jeune Homme et la Vie » (sur le label Mogno), titre du premier morceau de l’album et composé par le pianiste. « Charles a écrit six pièces et m’a demandé d’en écrire six autres. », une collaboration d’égal à égal de douze morceaux entrecoupés de trois miniatures intitulées malicieusement « Four Times Twenty » (quatre fois vingt !). Chaque morceau accompagné d’une dédicace est délicieux, qu’il évoque la période bebop, le blues ou le reggae et met en évidence la grande écoute mutuelle qui anime le duo. Charles Loos et José Bedeur joueront à Huy au centre culturel le 21avril.