Verviers, bastion du djihadisme?
Depuis plusieurs années, Verviers et sa commune voisine Dison sont dépeintes comme des bastions de l’intégrisme. Pourquoi?
Publié le 16-01-2015 à 09h03
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Une semaine après les événements tragiques en France, les Verviétois se réveillent ce vendredi avec un sentiment d'inquiétude prononcé, voire de peur. Pouvaient-ils seulement imaginer que, chez eux, des Kouachi ou Coulibaly en puissance pouvaient semer la terreur? Pourtant, il y a quelques heures à peine, le bourgmestre confiait que «oui – à Verviers – il y a des foyers d'extrémismes, qui ne sont pas toujours faciles à identifier».
Dans le même temps, des sources policières verviétoises n’écartaient aucune hypothèse sur le risque et la probabilité statistique d’avoir des «terroristes» dans la région, en référence aux six ou huit (selon les versions) Verviétois ou Disonais qui étaient partis combattre en Syrie, dont certains en étaient revenus, comme cet homme d’origine tchétchène qui y a perdu une jambe.
Pourtant, ces mêmes interlocuteurs bien au fait de la lutte contre le radicalisme relativisaient le risque d'actes de ces fanatiques à Verviers ou Dison. «Le risque pourrait plutôt provenir de personnes non pas originaires de Verviers mais qui y viendraient d'autres régions, comme cela se passe généralement en pareils cas», nous indiquait l'un d'eux.
Les trois hommes ciblés par la police étaient des Verviétois, de nationalité belge, de retour de Syrie. Et on devine, à la lecture des moyens déployés qu'ils s'apprêtaient probablement à passer à l'acte. Selon Christophe Moulin, spécialiste police-justice interrogé sur la chaîne LCI, ces trois jeunes djihadistes revenaient de Syrie. Ils auraient suivi la filière de Coulibaly, l'auteur de la fusillade dans l'Hyper Casher à Paris la semaine dernière. La chaîne en continu explique encore: «Il existe un lien entre l'opération menée en Belgique et le réseau de soutien à Amédy Coulibaly. Il s'agit d'un groupe qui s'occupait des départs en Syrie et aussi de la fourniture d'armes au grand banditisme et à des groupes islamiques.»
Une population paupérisée
Verviers mais aussi Dison font l’objet, depuis de nombreuses années, d’une surveillance particulière en matière de grand banditisme et de terrorisme.
Pourquoi l'intégrisme s'est-il propagé dans certains quartiers? Christine Wilwerth, la procureure du roi, explique la spécificité de ces deux communes: «Verviers est devenu un terreau favorable à l'extrémisme pour plusieurs raisons. Nous oscillons ici entre 104 et 108 nationalités différentes et nous avons une population paupérisée en raison de la situation sociale et économique actuelle sur l'arrondissement.» Elle note aussi que «souvent, l'intégrisme naît d'une difficulté à se situer dans un pays qui n'a pas été celui de ses parents. Tous ces facteurs contribuent au phénomène.»
Marcel Simonis, le chef de la zone de Police Vesdre, abonde dans le même sens: «On est dans une zone fortement multiculturelle avec un profil socio-économique relativement faible car Verviers et Dison sont deux des communes les plus pauvres de Wallonie, avec une dualité entre riches et pauvres. Dans la zone (NDLR: Verviers-Dison-Pepinster), nous avons des gens issus de différents pays et de différentes religions. Et la confrontation des idées et des cultures peut amener une incompréhension et des tensions. C'est complexe!»
Police fédérale et police locale, même combat?
Les moyens pour lutter contre ce radicalisme sont-ils dès lors plus importants à Verviers qu’ailleurs?
Le bourgmestre Marc Elsen les passe en revue. «À côté du travail quotidien des forces de l'ordre - et dans les quartiers via le plan de prévention et de cohésion sociale -, le travail se réalise au niveau de différentes plateformes (locales, fédérales), en lien avec la police fédérale, la Sûreté de l'État, l'Ocam (analyse des menaces), le Parquet. Évidemment, des enquêtes sont menées quand des personnes présentent des dangers.» Des enquêtes qui passent manifestement au-dessus de sa tête, puisqu'il n'était en rien au courant (ni la police locale et, apparemment, le Parquet) de l'action préparée par la police fédérale dans cette habitation de la rue de la Colline.