Pourquoi Verviers et Dison sont un terreau djihadiste ?
Des Verviétois et Disonais sont partis combattre en Syrie. Quels sont les risques et qu’est-ce qui est fait pour les contrer?
- Publié le 14-01-2015 à 07h32
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Précisons d'emblée qu'il convient plus que jamais de ne pas faire d'amalgame entre les tragédies de Paris et les communautés musulmanes. Lesquelles, se réjouit d'ailleurs le bourgmestre de Verviers, Marc Elsen, «expriment de plus en plus publiquement, notamment à travers leurs responsables, leur désapprobation de l'intégrisme islamiste, dont il existe bien des foyers à Verviers».
Les risques sont difficilement quantifiables, pas de psychose
Une semaine «après», la question de savoir s'il y a des Verviétois qui sont des petits Kouachi ou Coulibaly en puissance est néanmoins inévitable. La réponse ne peut être péremptoire. Le risque et la probabilité statistique ne peuvent être écartés, selon des sources policières, en référence aux six ou huit (selon les versions) Verviétois ou Disonais qui sont partis combattre en Syrie, dont certains en sont revenus, comme cet homme d'origine tchétchène qui y a perdu une jambe. Ce risque n'est pas à écarter… mais comme nulle part ailleurs qu'à Verviers, soulignent nos interlocuteurs bien au fait de la lutte contre le radicalisme et qui souhaitent rester anonymes. Tout comme ils relativisent le risque d'actes de ces fanatiques à Verviers ou Dison. «Le risque pourrait plutôt provenir de personnes non pas originaires de Verviers mais qui y viendraient d'autres régions, comme cela se passe généralement en pareils cas», nous indique l'un d'eux. Mot d'ordre: pas de psychose, qu'aucun élément tangible ne justifie.
Radicalisation diffuse
Sur le terrain, les forces de l'ordre, à Verviers… comme ailleurs, sont confrontées à une difficulté majeure qui repose sur l'intangibilité diffuse de la pieuvre propagandiste. Ainsi, nous dit-on, les personnes qui se radicalisent, souvent rapidement (un indice de dangerosité potentielle), le font de moins en moins dans un cadre identifiable et donc plus facilement mis sous surveillance. Ainsi, même si leur endoctrinement a généralement débuté par des prédicateurs souvent venus d'ailleurs, dans des mosquées identifiées comme fondamentalistes (il faut répéter qu'il y a des mosquées considérées comme modérées), «ils ne vont généralement pas ou plus beaucoup dans une mosquée mais se radicalisent chez eux, devant leur ordinateur, en regardant des vidéos sur Youtube et via les réseaux sociaux. Ceux qui partent combattre en Syrie ou suivre des formations militaires là-bas, au Yémen ou au Qatar, ne passent pas par des filières structurées ici. Et tous ceux qui se radicalisent ne partent pas non plus».
À Verviers… comme ailleurs, la radicalisation, surtout de jeunes (mais pas seulement) en perdition personnelle ou en manque de repères, s’est accrue depuis 2010-2011, principalement dans le contexte politique international de la montée de l’islamisme suite aux révolutions arabes, du conflit israélo-palestinien, de la guerre en Irak, de l’État islamique…
Suffisants, les moyens de la lutte contre le radicalisme?
Sur le terrain, toujours, c’est quoi, la «lutte contre le radicalisme», qui fait figure parmi les priorités du plan zonal (policier) de sécurité, dans une agglomération verviétoise (Dison y compris) que les autorités considèrent comme un des principaux viviers islamistes en Belgique, en raison notamment de la présence de mosquées cataloguées de fondamentalistes? Outre l’appui d’intervenants sociaux du plan de cohésion sociale de la Ville (plus sur le registre de la prévention et de l’éducation), c’est un réseau surtout d’échanges d’informations, qui comprend la Sûreté de l’État, l’Ocam (l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace), le Parquet et, sur le terrain proprement dit, les agents de quartier de la police locale (pour la collecte de renseignements) et trois enquêteurs de la police judiciaire fédérale… qui sont aussi chargés de la surveillance, pour tout l’arrondissement, des sectes, du hooliganisme, des bandes criminelles de motards, des autres types d’extrémismes (extrême-droite, extrême-gauche, mouvements impliqués dans le conflit turquo-kurde, etc.).
Un manque de moyens souvent déploré: «Et dire que le gouvernement veut encore raboter dans les budgets…»
