Sauver une ferme en achetant de la terre agricole
Damien et David Jacquemart sont deux frères qui se partagent 2 fermes dans un seul bâtiment. Une coopérative est lancée pour sauver leurs terres.
- Publié le 20-11-2014 à 05h00
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+ « La terre, mon outil de travail »
La réunion, animée par Maarten Roels, de l’ASBL Terre-en-vue, vient de s’achever, dans le bâtiment de la ferme, à l’étage d’un magasin écoulant les bons produits fermiers, farines, pains, viandes, charcuterie, fromages, pommes de terre et jus de pommes.
Cinquante-deux personnes y ont pris part, avec intérêt et envie de sauvegarder ce modèle d’agriculture artisanale, à laquelle elles sont attachées. Il y a des gens du coin qui ne veulent pas perdre ce fabuleux comptoir mais aussi des citadins interpellés, de Liège et de Charleroi.
Au milieu d’un maillage de petites routes perdues, intercalées entre des champs et des prairies, Damien et David Jacquemart exploitent la ferme familiale mais ils cultivent sur des terres qui ne leur appartiennent pas. L’an dernier, le décès de la propriétaire, la baronne Jacqueline Fallon, a inquiété. La perspective de la fin de l’exploitation, par voie d’héritage, a glacé et nourri une réflexion sur le métier d’agriculteur, de plus en plus impossible à exercer si on n’est pas né dedans, sur la cupidité s’emparant des zones agricoles et sur l’alimentation que l’on veut.
Comme il fallait s'y attendre, la propriétaire n'ayant pas d'enfants, les vingt héritiers ont en effet fait part de leur intention de vendre ce patrimoine immobilier, le maintien en indivision n'étant pas tenable. «À autant, impossible qu'ils se mettent d'accord pour garder la terre». Le prix attendu est raisonnable, dans la moyenne, mais à quoi bon encore s'endetter? Ce n'est pas dans leur philosophie.
Spécialisés en bio-dynamie depuis plus de 30 ans, ceux-ci mettent un point d’honneur à respecter la terre et à produire des denrées de qualité. Ils travaillent pour gagner leur vie honnêtement, fidèles à leur vision d’une agriculture n’épuisant pas la nature, mais pas pour s’enrichir. Ce qui explique pourquoi la menace pesant sur leur noble activité a ému et donné lieu à un mouvement citoyen initié par Terre-en-vue.
Ce vendredi-là, le 7 novembre, Maarten Roels a annoncé l'ouverture de la souscription publique, en vue de racheter les terres au prix demandé par les héritiers. Il faudra réunir 250 000€ pour 15 hectares de terres, frais de notaire inclus. « Un prix fixé sur base de plusieurs estimations de notaires. Il faut arrêter de dire que l'hectare de terre coûte 50 000€, ce n'est pas la vérité»
La vente devrait avoir lieu début 2015. Si vous vous sentez une âme de coopérateur afin de soutenir une agriculture de qualité et durable, c’est à vous de jouer.

« Le foncier, le prix de la terre agricole, ça ne passionne pas les foules »
Ce soir, vous êtes un peu soulagé?
Je suis déjà content par le nombre de personnes qui se sont déplacées. Ce n’est pas énorme mais venir se préoccuper, un vendredi soir, d’un problème qui ne les concerne pas à 100 % comme moi, cela n’allait pas de soi. Je suis touché par cette démarche citoyenne, cet intérêt que l’on nous porte, à nous mais aussi à l’agriculture. Content aussi parce que ces gens se sont intéressés à des sujets qui ne passionnent pas les foules et qu’on n’aborde donc pas souvent dans les médias, comme le foncier, le prix des terrains, la spéculation.
Vous cultivez donc 15 hectares…
Ma ferme totalise 29 hectares. J’en loue 25, à la famille et à la Commune de Mettet, dont 6 à la famille Fallon. Mon frère, lui, en loue 9. Soit donc 15 hectares qui, sans Terre-en-Vue, risquaient de nous être enlevés. Pour ma part, il s’agit de terres de prairies, où paissent une cinquantaine de bêtes dont 23 vaches laitières. Mes vaches, c’est mon gagne-pain, je les soigne bien car une vache heureuse produit toujours du bon lait.
Je produis en effet essentiellement du lait que l’on transforme en fromages. Je cultive juste un peu, de quoi nourrir mon élevage, de l’avoine notamment, et des betteraves fourragères. Je travaille en autonomie.