À l’École Nouvelle de Saint-Gilles, Lapinou reprend le travail: «Ouvrir une classe à Bruxelles, c’est créer une petite PME»
Très dense, la commune de Saint-Gilles ne peut plus installer de «classes conteneurs» pour caser ses élèves. Alors la chasse aux espaces est une priorité. Car chaque classe ouverte implique d’autres mesures.
Publié le 28-08-2014 à 09h49
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«Finies, les vacances, pour Lapinou! Il les a passées au vert, dans le jardin d’une institutrice. Mais là, il reprend comme tout le monde. Son job, c’est “ doudou de transition ” comme je dis: il attend les enfants à l’entrée pour détourner un peu leur attention de leurs parents».

Rieuse, Isabelle Gallet inspecte ses petites classes comme un footballeur ses crampons avant de grimper sur la pelouse. Dans sa cage, Lapinou reste stoïque mais tout autour, on s’agite. Dans deux jours, les minuscules chaises bleues à peine déballées racleront le carrelage de l’École Nouvelle de Saint-Gilles. «Y a encore un peu de rangement. Mais on sera prêt», promet la directrice.
Parfum de vanille

Comme beaucoup d’autres à Bruxelles, cet établissement à peu près aussi jeune que Lapinou ouvre cette année de nouvelles classes. «L’École Nouvelle existe depuis deux ans. Mais il faut accompagner les élèves qui grandissent. On ouvre donc 4 nouvelles classes, dont une 1re primaire qui nous permet de devenir une école à part entière».
Le mobilier tout neuf vient d’arriver. Les institutrices prennent leurs marques dans leurs nouveaux lieux de travail. Des fagots de crayons de couleur attendent leurs petites mains. Mais ouvrir des classes, ce n’est pas seulement accrocher un tableau devant quelques tables modèles réduits. «On aménage une salle d’accueil et un espace de psychomotricité», poursuit la directrice. Les tapis mous parfum vanille s’y emboîtent en un damier coloré.
Poulailler

Dans ce quartier très dense, chaque mètre carré compte. «Pour la nouvelle cour de récré, il a fallu nettoyer un espace laissé à l’abandon et rempli de bazar. Puis plafonner le préau, repeindre, installer les modules de jeu». Pas de classes modulaires ici: on vit trop à l’étroit. En face du poulailler, un potager devrait compléter ce petit coin vert. «Mais il faudra d’abord combler le dénivelé». Les enfants n’en sauront jamais rien: cette courette semble immuable.
Les troupes aussi ont été renforcées. «6 institutrices, 4 accueillants garderie et 2 membres du personnel d’entretien rejoignent notre équipe», énumère Isabelle Gallet. Leur description de fonction n’exige pas qu’ils nourrissent Lapinou: ça, c’est le job des enfants.
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«Créons un observatoire des inscriptions sur les 19 communes»
Le challenge du boom démographique titille l’inventivité des communes bruxelloises. À Saint-Gilles, on réquisitionne les bâtiments communaux pour y installer les élèves en manque de classe. Très dense, le bâti de la petite commune interdit en effet de rogner sur les cours de récré pour y installer des classes modulaires. Alors, on y est déjà passé à la phase 3 du fameux «plan Nollet».
Alain Hutchinson, vous êtes échevin (PS) de l'Enseignement à Saint-Gilles. La rentrée, c'est lundi. Tous les petits Saint-Gillois auront une classe?
On verra ça le 2 septembre. Nous préférons ne pas lancer de chiffres alarmistes car le nombre réel d’enfants sur liste d’attente est difficile à objectiver.
Justement, pour mieux circonscrire la situation, vous avez des idées?
Nous avons ouvert une cellule de coordination avec les six autres communes bruxelloises où l’enseignement est une compétence d’un échevin PS. Il s’agit d’Anderlecht, Bruxelles, Saint-Josse, Evere, Forest et Saint-Gilles. Entendons-nous bien: l’idée n’est pas de créer un nouveau «plan écoles» mais d’instaurer une sorte d’ «observatoire des doublons», idéalement à l’échelle des 19 communes.

Pourquoi?
Certains enfants sont inscrits dans deux, trois, voire quatre écoles! Ils comptent donc pour 4 dans les chiffres des listes d’attente. Car ne croyez pas que les parents nous appellent pour nous signaler s’ils trouvent une classe! Ces pratiques, je les comprends. Mais elles biaisent les chiffres et peuvent mener à des dérapages budgétaires. Et avoir des effets désastreux sur l’investissement et l’emploi. On ne tient pas à se retrouver avec des classes neuves, mais vides.
Votre commune fonctionne déjà comme ça?
À Saint-Gilles, 1 enfant compte pour 1. Tous les réseaux, communal, libre et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, y sont rassemblés. Nous ne sommes plus en concurrence comme à l’époque des guerres scolaires, pour obtenir une meilleure subvention que le voisin. Nous évitons ainsi le shopping scolaire du 1er septembre.

On le sait, ce boom démographique pousse les communes à agir dans l’urgence.
À la fin des années 80, j’occupais le même poste. À l’époque, j’ai fermé des classes et fusionné des écoles. Nous étions l’une des communes à la moyenne d’âge la plus haute. En 2014, c’est l’inverse: comme d’autres communes bruxelloises, Saint-Gilles fait partie des plus jeunes de Belgique. Il faut y faire face. Et c’est en maternelle que le besoin est le plus criant. Nous ouvrons donc de nouvelles classes sur trois sites.
Pas de conteneurs «modulaires» à Saint-Gilles, alors?
Nous en avons à l'école Ulenspiegel. Mais vu la densité du bâti dans la commune, ces implantations modulaires d'urgence ne peuvent s'y installer indéfiniment sans rogner sur l'espace vital des élèves. Ce n'est pas le tout d'ouvrir des classes: il faut aussi accueillir les élèves supplémentaires. Ça ne peut se faire en diminuant, par exemple, la cour de récré.

Vous «sautez» donc directement à la phase 3 du «Plan Nollet».
Nous avons insisté pour passer directement à la rénovation d’écoles en dur. J’ai dû réorganiser l’associatif communal installé dans d’anciennes écoles pour réaffecter celles-ci dans leur fonction première. Ces dispositions nous permettent d’ouvrir 140 nouvelles places en maternelle et 24 en primaire. Le plan Nollet nous aide surtout dans l’achat de matériel. C’est un appui important, mais ce n’est qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Le coût le plus important est pris en charge par la régie.

Vous avez encore un peu de marge?
Pas du tout! On a récupéré tous les bâtiments qu’on pouvait. Car s’il faut du maternel en 2014, il faudra du primaire et du secondaire un peu plus tard. Il y a donc trois projets de grande envergure en cours: la rénovation d’une ancienne école rue Coenen qui hébergera l’École du Parvis, un nouveau bâtiment rue Vlogaert à la Porte de Hal, et le complexe de l’ECAM qui devrait accueillir deux écoles.
Dans le futur, il faudra encore plus de places?
D’après les chiffres des naissances à Saint-Gilles, le boom ne s’arrête pas. Nous comptons de nombreux citoyens en âge de faire des enfants. Et qui en font! Le problème le plus urgent, c’est celui des crèches. Mais il faut aller plus loin aujourd’hui pour être prêt demain.