Bruxelles d’en haut (2/4): La tête dans les nuages à Molenbeek
Prenez de la hauteur avec les clichés qui circulent sur Molenbeek. Ils se volatilisent au-dessus du Canal depuis la tour de Saint-Jean-Baptiste. Un perchoir qui vous offre un regard central sur Bruxelles.
Publié le 17-07-2014 à 08h27
«On pourrait y aménager des appartements! C’est en tout cas ce qu’un visiteur m’a suggéré». Virginie Dusenge a l’habitude de grimper la tour de l’église Saint-Jean-Baptiste de Molenbeek. Depuis quelques mois, l’assistante paroissiale en gravit régulièrement les 298 marches. «Sans compter les échelles en bois qui mènent à la plateforme!»
L’escalade n’a donc rien de ces colimaçons typiques des églises médiévales, où les moines amateurs de bonne chair risquaient de rester coincés. C’est aussi large que la rue Neuve, et peut-être plus que l’étroite chaussée de Gand, qui se déroule à deux pas. Le vide est impressionnant: le puits qui plonge à pic, sécurisé d’une unique rampe métallique, attire le regard. Un piano s’y engouffrerait sans problème.
«Saint-Jean-Baptiste est la première église de béton construite à Bruxelles. Elle a été achevée en 1933. Il n’en reste que trois aujourd’hui: celle-ci, Saint-Augustin à l’Altitude 100 et Sainte-Alice à Schaerbeek. Les vitraux art-déco, invisibles depuis le parvis, valent le coup d’œil». Sa vaste nef aussi, soutenue par six élégantes arches mi-ovoïdes qui guident l’œil vers le chœur.
On gravit quatre à quatre les marches de béton. Puis on ralentit le pas: depuis une échelle, il faut se hisser sur une passerelle en bois qui longe les cloches. Au bout du circuit, sa semblable descend ses échelons souillés par les pigeons. La lumière perce timidement d’une trappe de zinc, trois mètres plus haut. Ça glisse un peu: juillet n’est pas clément avec Molenbeek.
Un panorama central
Ni avec notre objectif: la drache nous empêche de plonger le zoom au loin. Mais quel panorama, en plein centre de Bruxelles! C’est d’abord Rogier et le quartier Nord qui frappent: les tours de bureaux ont l’air si proches. Devant eux, le Kaaitheater et le garage Citroën, à Yser, ont l’air de maquette. Mais pas la tour Up-Site, qui nous dépasse depuis son éperon, au bord du bassin Beco.

(Pour agrandir le panorama, cliquez sur l'image)
Ce qui frappe aussi, c’est la densité du bâti, 70m plus bas. Les immeubles et hangars sont tellement serrés qu’on ne voit pas le Canal. De l’autre côté, le pan noirci de Sainte-Catherine se détache au bout du Vismet. Et plus haut, on devine Saint-Michel-et-Gudule, l’Hôtel de Ville, puis les dorures du Palais de Justice, qui bataillent contre les nuages. Baissant le regard plus à l’ouest, on pourrait presque entrer dans les bureaux de la maison communale molenbeekoise, surmontée de son dôme émeraude. La basilique de Koekelberg nous toise dans le crachin où, plus à l’est, disparaît l’Atomium.
«Ouvrir la tour de l’église, c’est une bonne chose», se réjouit Virginie Dusenge en redescendant vers le carrelage rassurant de la nef. «Les gens osent désormais venir dans le quartier pour la visiter. Molenbeek souffre encore trop des images négatives répercutées partout».
Des images qui se volatilisent très vite quand on a la tête dans les nuages.
Notre série: Bruxelles d'en haut
+ Episode 1 | Panorama en béton à 360° depuis l'Altitude 100