Enjeu de campagne| Éolien: le vent tournera-t-il en Brabant wallon ?
Six fois plus d’éoliennes en Brabant wallon d’ici 2030. Pour ou contre? Faisable? Rentable? Les partis donnent leur avis.
Publié le 13-05-2014 à 07h00
:focal(507x370:517x360)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/VODQFBFE5VH4XJFY6BIVEZYW6M.jpg)
Pas facile de faire pousser des éoliennes en Brabant wallon! En témoigne le récent bras de fer entre les Chastrois et le promoteur Aspiravi. Malgré une pétition de plus de 1300 signatures et près de 400 lettres d’opposition, le ministre régional de l’Aménagement du territoire, Philippe Henry (Écolo), vient d’accorder un quatrième permis pour six éoliennes sur le plateau de Chastre, après trois annulations par le Conseil d’État. De grands moulins que les riverains rejettent pour les nuisances sonores et le choix inadapté du lieu notamment.
D'autres projets font également l'objet de nombreux recours en Brabant wallon. «À Walhain, la commune et le promoteur Alternative Green se battent devant le Conseil d'État à propos d'un projet de sept éoliennes, lancé il y a sept ans déjà», explique Jean-François Mitsch, expert des énergies renouvelables.
Les Brabançons wallons seraient-ils anti-éoliens? «Non pas forcément. C'est que la mobilisation dans le Brabant wallon est nettement supérieure par rapport à d'autres provinces, justifie Jean-François Mitsch. Et cela en raison du profil sociologique de la population.» Ainsi, des comités de riverains et des associations fleurissent en Brabant wallon et se mobilisent pour faire entendre leurs revendications et surtout attirer l'attention sur la préservation de leur cadre de vie.
150 éoliennes en 2030
L'éolien sera donc l'un des grands débats de ces élections car il est un enjeu important pour notre province. Aujourd'hui, Perwez et Villers-la-Ville sont les deux seules communes brabançonnes à abriter une vingtaine d'éoliennes. «Nous avons 10% de ce qui est installé en Wallonie. Ce n'est pas mal vu notre territoire densément peuplé», ajoute par ailleurs le spécialiste de la question éolienne.
Mais d’ici 2020, le Brabant wallon devrait comptabiliser une septantaine de mâts et 150 en 2030. Telle est l’orientation actuelle souhaitée par le gouvernement wallon qui désire rencontrer ses objectifs européens et atteindre 20% d’énergies renouvelables en 2020.
Mais où placer ces nouvelles éoliennes? En 2013, la majorité des communes brabançonnes avaient dit «non» à la carte dressée par le gouvernement déterminant les zones favorables et rentables pour l'implantation d'éoliennes sur notre territoire. Orp-Jauche avait notamment invoqué la beauté de ses paysages, Perwez estimait avoir déjà rempli sa part du boulot. Autre raison de cette levée de bouclier à l'époque, selon Jean-François Mitsch: la proposition de dotation annuelle de 12 500 euros versée aux communes, par éolienne dressée. «12 500 euros? C'est inadmissible comparé aux problèmes avec les riverains qu'une éolienne peut susciter et au chiffre d'affaires d'une machine qui est de 500 000 euros. C'est du vol!»
Le nouveau Cadre éolien, adopté en 2013, veut prioriser l'installation d'éoliennes le long des grands axes routiers, tels que la E411 ou la N25. Jean-François Mitsch pointe également du doigt une zone à fort potentiel: «Le plateau de Hesbaye, qui traverse la province, est idéal. Les plaines sont dégagées et profitent d'un bon couloir de vent.»
Que des promoteurs étrangers
Grosse ombre au tableau cependant: la présence de promoteurs étrangers pour nos moulins brabançons. «Aujourd'hui, en Brabant wallon, le promoteur n° 1, Air Energy, racheté par Eneco, est une intercommunale dont l'actionnaire principal est Amsterdam. Le n° 2, Aspiravi, est une intercommunale flamande et le n° 3, Electrabel, filiale de GDF Suez, appartient à l'État français», selon l'expert qui estime qu'il faut organiser un potentiel éolien public avec des partenaires privés, à mettre en concurrence.
D'après Jean-François Mitsch, l'éolien est indispensable à une politique énergétique car elle est la technologie renouvelable la moins coûteuse. «Mais le pouvoir public doit avoir la main sur l'aspect financier et la planification.»
Demain, l'éolien couvrira 20 à 30% de nos problèmes d'énergie. Il ne faut donc pas perdre de vue les autres filières: «70% du parc immobilier belge doit être isolé! Malheureusement aujourd'hui, on soutient davantage la production d'énergie que sa préservation.»
L'intention des différents partis:

Jean-Paul Wahl: Un moratoire sur l'éolien

Benoît Huts: Des petites éoliennes le long des autoroutes
« Nous ne sommes pas contre les éoliennes mais il faut faire attention à la façon de les implanter. Le cdH propose de placer des éoliennes plus petites le long des autoroutes. Et pour cela, d’utiliser les poteaux d’éclairage déjà présents le long de la N25 ou de la E411 par exemple, afin d’en faire des poteaux multifonctions. Une formule qui réduirait l’impact sur le paysage et les nuisances sonores. Quitte à en mettre plus ! En ce qui concerne le cadre éolien, les zones favorables à l’implantation de mâts ont été proposées avec beaucoup d’insistance aux communes. Or, il faudrait davantage les consulter. Enfin, nous devons tendre vers la sortie du nucléaire mais nous en avons besoin tant que nous n’avons pas de source crédible et efficace pour le remplacer. »

Dimitri Legasse: L'éolien n'est pas suffisant
« Le PS est favorable au développement du renouvelable et de l’éolien, mais dans un cadre réglementaire fixe, sans porter atteinte au cadre de vie des citoyens. Ce que permettra le décret éolien, une fois adopté, qui donne priorité à l’implantation d’éoliennes le long des autoroutes et qui délimite des critères au niveau du bruit,etc. Mais l’éolien n’est certainement pas suffisant et il faut le combiner avec d’autres ressources, comme l’hydroélectricité par exemple. Si le vent est à tout le monde, l’eau aussi. Nos propositions concrètes ? Favoriser les investissements des pouvoirs publics. Faire attention que l’éolien impacte réellement la facture finale du citoyen et ne profite pas qu’à quelques promoteurs. Développer le petit éolien, surtout par des projets de collectivité publique. »

Sophie Agapitos: Un mixte de ressources
« Il faut que le décret éolien, qui met fin à la logique du premier arrivé, premier servi, soit adopté directement après les élections. Plus généralement, la Wallonie doit devenir indépendante au niveau énergétique. On importe aujourd’hui pour 18 milliards € d’énergie consommée. Les ressources comme le pétrole se raréfient aussi et pour les bas revenus, la facture énergétique ne cesse d’augmenter. L’éolien est-il la solution ? Il faut surtout un mixte entre plusieurs ressources. S’il n’y a pas de vent, ailleurs, il y a peut-être du soleil. En matière d’énergie, Écolo propose 100% de logements isolés d’ici 10 ans, plus de fonds publics pour soutenir les ménages, les locataires, et les entreprises. Il faut investir dans ce secteur créateur d’emplois. Car, 100% d’énergies renouvelables, c’est 60 000 emplois en 2030. »

Vincent Granville: L'éolien est trop aléatoire
« Le désavantage de l’éolien, c’est que c’est aléatoire et intermittent. On sait difficilement prévoir quand on va produire de l’électricité. On ne peut donc pas vraiment miser là-dessus. De plus, le Brabant wallon, densément peuplé, n’est pas un territoire idéal pour l’éolien, contrairement aux zones côtières ou en hauteur. Il faut privilégier l’isolation par exemple. Car de l’énergie non consommée, c’est de l’énergie gagnée. Il existe également d’autres sources plus permanentes que l’éolien comme la géothermie ou la cogénération. En ce qui concerne le nucléaire, nous avons signé pour un abandon progressif mais il faut le faire de façon raisonnée afin d’éviter toute pénurie. Le FDF prône une politique d’équilibre écologique rationnelle et non dogmatique comme le fait Écolo. »

Martin Dogimont: Ce n'est q'un moyen
« Le débat aujourd’hui dépasse l’éolien. Il faut un plan global qui lutte contre le réchauffement climatique et l‘éolien n’est qu’un moyen. Au vu de la rentabilité, il n’est pas nécessaire de couvrir tout le pays d’éoliennes. On soutient par contre l’éolien offshore, en mer du Nord. Il est important de réaliser un audit afin de savoir quels sont les besoins réels des citoyens car ces derniers doivent être des partisans actifs. Il n’existe pas, en effet, de solution miracle. On doit construire un secteur d’énergie verte, en combinant plusieurs ressources. Avec comme objectif final de sortir du nucléaire. Mais il faut éviter de faire comme l’Allemagne qui est sortie rapidement du nucléaire et qui importe aujourd’hui… du nucléaire de France ! »

Yves Cuvelier: On est tous perdants avec l'éolien
Quel contexte? Aujourd'hui, la Wallonie compte 261 éoliennes (1 250 GWh). Le Brabant wallon en accueille une vingtaine (soit 10%). Selon le gouvernement, 3% du territoire wallon peut accueillir des éoliennes. Afin d'honorer les engagements européens (20% d'énergies renouvelables en 2020), il faudrait 750 éoliennes en Wallonie (soit 3 800 GWh). Où et comment installer ces nouveaux mâts ? Début 2013, un nouveau Cadre de référence éolien a été adopté. Jusque-là, l'implantation se faisait suivant la logique du «premier arrivé, premier servi». Le Cadre met en place une série de critères (distance avec les habitations, participation citoyenne,etc.). En parallèle, le gouvernement a adopté, après consultation des communes, une cartographie indiquant 30 zones positives au développement éolien. Enfin, le gouvernement a donné, début 2014, son feu vert au décret éolien qui permet au secteur de se développer sur des bases juridiques claires. Sur la table du Parlement, le texte ne sera cependant pas examiné avant les élections.