À l’hôpital d'Auvelais, on lutte aussi contre les bad trips
Une première à l’hôpital d’Auvelais. Une journée dédiée à la lutte contre les assuétudes et à ses acteurs. Tour d’horizon
Publié le 09-04-2014 à 07h53
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La vie est belle? Pas pour tout le monde. Certains dégustent. Pour les fragiles et les vulnérables, nés avec une invisible fêlure, la réponse est à nuancer. Belle dans l’absolu mais, selon les individus, dure aussi, stressante, violente voire absurde, jusqu’à l’apparenter à une épreuve, à un parcours d’obstacles, à un duel quotidien qui ne fait aucun cadeau, et surtout pas aux plus faibles.
Pour tenir le coup face aux ressacs de l’existence, pour rendre plus supportables les deuils et les ruptures inhérents à la vie, moins douloureuses les injustices, ces êtres humains fragilisés s’évadent. Suspendent le temps. Ils boivent, fument ou se piquent, ils s’assomment un peu ou beaucoup avec des substances, recherchent par tous les moyens un peu de ouate ou d’apesanteur. Mais plus ils recourent à ces paradis artificiels, plus ils en deviennent addicts, esclaves.
Les assuétudes, c’est cela.
Lundi, dans le cadre de la Journée mondiale de la santé, l’hôpital d’Auvelais a innové en réunissant derrière une même table les centres qui s’efforcent de faire reculer ces assuétudes et qui, financièrement, dépendent de l’institution hospitalière.
Cette équipe pluridisciplinaire comprenait tabacologue, diététiciennes, infirmiers, assistants sociaux et psychologues, tous issus de la consultation ou de l’unité de soins en psychiatrie ainsi que des centres Re-pair (de jour) et Zéphyr, actifs dans le soutien et l’accompagnement des personnes souffrant de problèmes liés à l’alcool, au tabac et à la drogue.
Tout le monde en souffre
En ce domaine, on ne diffusera sans doute jamais assez d’informations, on ne combattra jamais assez les idées reçues, les préjugés et les stéréotypes. Car les assuétudes progressent, nourries au mal de vivre du XXIe siècle. Dans une société qui n’a pourtant jamais été aussi progressiste et autant confortable, et qui a nivelé les inégalités, la consommation de psychotropes et d’antidépresseurs atteint des sommets.
Il ne faut pas se voiler la face, «tout le monde souffre d'assuétudes, mais à des degrés divers » explique-t-on. En proie à un mal-être diffus, une personne peut devenir addict au jeu, à l'internet, à la malbouffe ou encore au sexe. Ce sont des dérivatifs à sa souffrance existentielle.
L’enfer de ces «esclaves » modernes est pavé de jours monochromes, de réflexes compulsifs et, tôt au tard, côté santé, de voyants passant au rouge.
Impliquer les proches dans le sevrage
Que faire? «Une journée comme celle-ci permet aux personnes en souffrance de faire connaissance avec des visages. C'est plus facile par la suite de faire le pas et de pousser la porte d'un centre tel que le nôtre» explique Claire Ketels, psychologue au centre Zéphyr. Celui-ci, en 2013, a accompagné quelque 87 personnes en vue d'un sevrage, en partenariat avec l'hôpital et les médecins traitants.
«En Basse-Sambre, on consomme beaucoup poursuit la psychologue mais un grand nombre de petits consommateurs, problématiques ou non, ignore qu'il existe des structures pour les prendre en charge et empêcher que leur dépendance ne s'aggrave ».
La drogue la plus courante, la plus socialement acceptée, c'est l'alcool. Trente pourcents des usagers de Zéphyr sont alcoolo-dépendants. Plus grave, 30 autres pourcents sont accrocs à la cocaïne ou à l'héroïne. «Pour réussir le sevrage, il ne suffit pas de suivre la personne concernée. Il faut intégrer dans le suivi les proches de celle-ci ».
Qu’il s’agisse d’une épouse, d’une mère, d’enfants, eux aussi sont en détresse car impuissants, confrontés aux dégâts que la drogue cause au corps de l’être aimé. Exposés à ses excès ou à sa violence. C’est peu de le dire, les assuétudes rendent la vie moche.