Le Parti Pirate torpille la politique «ringarde»
Pour «ouvrir le jeu», le petit Parti Pirate base son programme sur la participation citoyenne. Et veut relancer l’économie bruxelloise via… l’industrie du jeu vidéo «sérieux».
Publié le 20-02-2014 à 13h54
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Comme ceux d'Anderlecht, les supporters du Parti Pirate portent fièrement le drapeau mauve. Mais leur navire n'est pas un stade et leurs cris ne résonnent pas: ils naviguent plutôt sur l'océan virtuel du web et communiquent davantage via les réseaux sociaux. Pour présenter leur programme en vue des régionales bruxelloises de mai, les Pirates ont cependant accosté dans le monde virtuel. Et c'est au Botkamp, la plus grande salle de jeu vidéo du Benelux, que ce petit parti a levé un voile sur ses idées. Dans une légère odeur de hot-dog et un petit parfum d'insurrection…
Marouan El Moussaoui, vous êtes secrétaire du Parti Pirate Bruxellois. Vous voulez «ouvrir le jeu démocratique». Concrètement, ça veut dire quoi?
Aujourd’hui, le jeu politique est fermé. La métaphore d’ «ouvrir le jeu» vaut donc sous l’angle footballistique comme sous l’angle d’une pièce qui schlingue et qu’il faut aérer. Nous souhaitons davantage de participation au jeu politique. Comme dans l’encyclopédie en ligne Wikipedia: tout le monde peut participer.
Tout le monde pourrait par exemple voter une loi?
Davantage en amont, nous voulons surtout que tout le monde puisse proposer des projets de loi. La politique belge souffre d’une hypertrophie de l’exécutif. Nous, nous voulons un parlement fort et ouvert. On ne veut plus par exemple d’un Plan Marshall piloté par des cabinets.
Concrètement, vous voyez ça comment?
Nous visons l’exact inverse des conclaves budgétaires, des comités restreints et des kerns. Ainsi, chaque citoyen doit pouvoir donner son avis sur les modalités budgétaires d’une année. Il y a plusieurs façons d’imaginer ce système sur internet: via des champs texte, des questionnaires, des curseurs…
Les consultations populaires ont parfois mauvaise image, comme on l’a vu avec la votation suisse sur l’immigration…
Ce référendum sert de bouc émissaire. C’est ce que Platon appelait «le noble mensonge». Il postulait que la politique ne devait pas s’expliquer car elle ne serait pas comprise. Nous sommes certains de l’inverse: c’est la population qui doit expliquer aux politiciens quelles mesures mettre en place. Pour Pirate, hors de question de postuler que les gens sont des buses. L’utopie n’est pas de penser que cette participation citoyenne va s’installer: elle va s’installer.
Mais alors, plus besoin de politiciens. Bruxelles n’a donc pas besoin du Parti Pirate…
Le problème, c’est que les forces de la ringardise sont plus fortes que celles du changement. La politique est toujours à l’ère du fax. Nous voulons l’amener à l’ère d’internet. Il y a 10 ans, tout le monde se moquait de Wikipedia. En 2014, elle est considérée comme source fiable.
Tout ça, c’est beau. Mais Bruxelles a des problèmes concrets: logement, chômage, mobilité…
Nous proposons un catalogue de mesures pour résoudre ces gros problèmes. Un ticket STIB à 1€ pour engendrer le débat sur le prix des transports, une rationalisation des organismes de logement social… Mais toujours avec une feuille de route participative préparatoire au travail parlementaire.
Et pour l’emploi?
Question: quelle est l’industrie de loisir la plus productive au monde? Ni le cinéma, ni la musique, mais le jeu vidéo, dont le chiffre d’affaires dépasse ceux réunis des deux autres. On va créer de l’argent via le jeu vidéo. Son chiffre de croissance grossit de 40% chaque année.
Vous voulez doper l’économie par le jeu vidéo?
Après les USA, le Japon et la France, la Belgique est le 4e pays producteur mondial de «serious games», des jeux utilitaires, pédagogiques et sérieux, utilisés par les médias, les institutions, les organisations, pour faire comprendre une thèse. Pour réduire la complexité institutionnelle bruxelloise, nous voyons là une piste: ça permettra de faire de l’argent tout en instaurant notre projet politique de décomplexifier les institutions.
Mais tous les Bruxellois n’ont pas l’âme de développeurs. On sait que le chômage touche une population jeune et souvent peu qualifiée…
L’industrie forestière ne repose pas entièrement sur les bûcherons! Un «serious game» coûte entre 50.000 et 110.000 euros. Ça ne mettra pas tous les Bruxellois au travail, mais il s’agit de créer l’emploi, non de lutter contre le chômage.
Ces jeux restent obscurs pour le grand public: un exemple pour expliquer votre campagne?
Sur notre site internet de campagne, nous avons mis en place un de ces petits jeux. C'est une version toute simple: on s'inscrit, et chaque fois que l'on surfe sur le site, on monte en grade dans la marine. Pour finir amiral et, enfin, pirate!