Ces carriers qui ont façonné Maffle
Le passé carrier peut se lire dans la physionomie actuelle du villagede Maffle, pour celuiqui connaît l’histoire. Un nouvel ouvrage est paru.<
Publié le 28-01-2014 à 06h00
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Entre les carrières de Maffle et Jean-Pierre Ducastelle, l’histoire ne date pas d’hier. Dès 1975, l’historien athois, initiateur du musée de la pierre, s’intéresse à cette industrie carrière qui a façonné ce village de l’entité athoise. Au fil des années, il récolte documents et témoignages, et publie de nombreux articles dans les bulletins du musée.
Aujourd’hui, il sort un livre compilant et enrichissant ces années de recherches. Sobrement intitulé «Les carrières de Maffle», l’ouvrage de 448 pages édité par le Cercle d’histoire et d’archéologie d’Ath brosse tous les aspects de la thématique: de l’outil industriel à la vie politique, des conditions sociales des ouvriers carriers à la vie populaire, etc.
Si les premiers témoignages d'extraction en Pays d'Ath remontent au XIIIe siècle (la Tour Burbant, du XIIe , est déjà construite en dolomie locale), l'activité industrielle se développe réellement au XVIIIe . « L'apparition de la machine à vapeur permet de vider l'eau des carrières et d'exploiter la bonne pierre, à partir de 6 m de profondeur », explique Jean-Pierre Ducastelle.
Les patrons déplacent la Place
Dès 1840, Pierre Rivière, époux d’une fille de maître carrier d’Ecaussines, et Jean-Baptiste Durieux, riche marchand athois, sont à la tête des deux chantiers principaux: le trou Rivière et la Carrière de la Dendre. Un problème se pose: l’église du XIIIe siècle, ainsi que la Place communale et la rue principale, menant vers Ath, se trouvent au-dessus du gisement.
« De 1840 à 1865, on assiste à une bagarre entre la famille Rivière, libérale, et les responsables communaux, catholiques. Le maïeur, Baudouin Demarbaix, est un fermier et brasseur du village. Pierre Rivière va jusqu'à créer une brasserie pour le concurrencer, mais surtout, il prend le pouvoir politique du village. La maître carrier transforme le village de manière positive, en traçant les nouvelles rues droites «Salvadore Allende» et «Pierre Rivière», en rebouchant une carrière pour y transférer la Place, en créant une école dans une ancienne ferme… »
Les propriétaires carriers façonnent la physionomie géographique mais aussi sociologique du village. Des petites maisons ouvrières sont construites, à Maffle, Attre, Mévergnies, jusqu'à la Chaussée de Mons. « Maffle draine une population importante – devient le plus gros village de la région -, et connaît une natalité élevée, car il y a du travail. Les ouvriers carriers sont relativement bien payés, comparés aux ouvriers textiles d'Ath. Un bon tailleur peut gagner de 3 à 4 francs par jour l'été, à raison de 16 heures de travail, contre 1,5 à 2 francs pour le manœuvre. Malheureusement, ils compensent le caractère dur du travail par l'alcoolisme: une maison sur trois est un café. Les conditions de vie sont peu glorieuses.»
Toutefois, l’analphabétisme disparaît dans le village, grâce à l’école industrielle et à l’Académie de dessin d’Ath, où les apprentis apprennent à lire des plans.
Être maître dans sa carrière
Dans la «petite» histoire de Maffle se lit la «grande», celle de l'Europe de l'Ouest. Celle de la lutte des classes, avec les émeutes sociales de 1886, la constitution d'un syndicat de carriers en 1895, la Maison du Peuple en 1908, et enfin, la conquête du pouvoir politique en 1921, grâce au suffrage universel masculin. «Les ouvriers obtiennent la majorité absolue. Les patrons comprennent qu'ils ne font plus le poid et cessent d'être candidats. Par contre, ils se battent pour conserver le pouvoir au sein de leur outil de travail. Après la 1re guerre, le syndicat prend le contrôle de l'embauche. C'est un «mauvais exemple». En 1924, le patron Degavre, soutenu par les patrons de Soignies et d'Ecaussines, fait même un lock-out, une grève patronale. Il ferme la carrière durant des mois pour «redevenir maître dans [sa] carrière». »
Néanmoins, le tarif des ouvriers évolue positivement, grâce aux négociations provinciales, jusqu'à la fermeture des carrières, à la fin des années 60. «Il y avait un problème de rentabilité. Le gisement de Maffle produisait beaucoup de «déchets», comparé à ceux de la région du Centre. De plus, le béton a remplacé la pierre pour les bordures de route, alors que Maffle avait fourni par le passé Gand et Anvers pour cet usage. Par ailleurs, il aurait fallu investir beaucoup pour moderniser le matériel, les armures de scieries notamment, et les exploitants de Maffle n'avaient pas les reins suffisamment solides. Ceci explique le déclin de l'industrie carrière de la pierre bleue, le «petit granit », chez nous alors qu'elle a survécu ailleurs. »
Désormais, les carrières sont un poumon vert et de loisirs, ainsi qu’un lieu de mémoire.
Le livre est vendu par souscription auprès du Cercle royal d’Histoire et d’archéologie d’Ath et de la région (068/269231) au prix de 20€ jusqu’au 28 février. Après, il sera disponible au prix de 25€. Il est vendu à l’Office du Tourisme d’Ath, au Musée de la Pierre de Maffle et dans les librairies de l’entité.