Manque d'hygiène: l’Afsca détruit des tartes artisanales au détergent
127 tartes à maton des Paysans de la Place à l’Aulnoit ont été détruites par l’Afsca, vendredi, pour manquement aux normes d’hygiène.
Publié le 03-07-2013 à 06h09
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En ce week-end de Sabbat, c’est un tour diabolique qui a été joué aux Paysans de la Place à l’Aunoit, à Ellezelles. Ce groupement folklorique, créé en 1972 à la demande de Jacques Vandewattyne, s’affairait, comme chaque année, à la préparation de ses traditionnelles «tartes à maton» lorsque deux inspecteurs de l’Afsca sont venus contrôler les lieux vendredi, vers 8h du matin.
Leur verdict a été sans appel : arrêt immédiat de la production et destruction au détergent des tartes déjà prêtes. «Nous avions sur place 127 tartes, cuites la veille, que les gens allaient venir chercher dans la journée, explique Josiane Ronsse, présidente du comité. En général, à l'occasion du Sabbat, nous cuisons environ 300 tartes sur réservation. Elles sont toutes parties pour le samedi midi.»
Cette décision extrême s’explique par le lieu de fabrication des pâtisseries, qui ne correspond pas aux normes d’hygiènes de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Et pour cause, il ne s’agit nullement d’une boulangerie professionnelle mais bien d’une annexe de la ferme Ronsse, à proximité du «Mareû à Chorchilles» originel.
«Le reste de l'année, c'est un entrepôt pour un vieux carrosse.» L'endroit est doté d'un four en pierres datant du siècle dernier. Deux fois l'an, pour le Sabbat et la foire aux artisans de septembre, toutes les femmes du quartier s'y réunissent pour mettre la main à la pâte, sur des tables de fortunes, soutenues par des tréteaux et recouvertes de nappes blanches. La maton est acheté à un exploitant de Braine-Leconte, «qui travaille à l'ancienne, avec du lait battu caillé sans ajout de vinaigre».
Des tartes « nuisibles »
« Les clients sont invités à venir assister à la fabrication, en toute transparence, pour justement montrer aux enfants comment se prépare une pâtisserie de façon artisanale, poursuit Joël Pardons, secrétaire du groupe folklorique. C'est ça l'objet de notre association : perpétuer des traditions ancestrales. Et l'Afsca voudrait nous imposer des normes drastiques : plafonner et peindre les murs, recouvrir notre carrelage de sol par du gyproc,etc. Ils n'ont pas tenu compte de la qualité de nos produits: aucune analyse n'a été faite sur nos tartes pour vérifier si elles étaient propres à la consommation. Par contre, ils avaient un document pro-justitia avec l'indication " tartes nuisibles ".»
C'est ce système draconien et cette absence totale de dialogue qui restent particulièrement en travers de la gorge des Paysans de la Place à l'Aulnoit, tous bénévoles. «On aurait dit un commando. Il n'y a pas eu de mise en garde pour la prochaine fois, juste une intervention choc. C'est extrêmement violent pour des gens qui font cette activité avec passion, pour l'amour du folklore. Les bénéfices nous servent à mettre sur pied notre foire paysanne. Voir tant d'efforts mis dans des sacs poubelles et aspergés de détergent, ça fait mal. Nous avons vu des hommes de soixanteans pleurer. On peut dire que notre groupe a vraiment été décapité ce week-end. »
Toujours consterné, le groupe n’est pas encore sûr de trouver le courage de se relever de cette mésaventure. Le goût est d’autant plus amer qu’il s’agirait d’un contrôle «sur dénonciation».
Il y a 400 ans, les villageois s’adressaient aux «sorcières» pour attirer le malheur sur leurs voisins. Il semble que si l’intercesseur
a changé, la pratique, elle, subsiste, et n’a rien de satanique. La jalousie est au contraire un trait de caractère résolument humain.