Bernard Wesphael: «Exproprions Mittal, maintenant!»
Le Mouvement de gauche du Liégeois Benard Wesphael, associé à trois autres partis de gauche européens, dénonce les «pratiques illégales» du groupe ArcelorMittal en Belgique. La Région wallonne dispose des moyens juridiques pour l’exproprier, selon le député wallon.
Publié le 31-01-2013 à 17h04
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«Mittal s’est rendu coupable d’un véritable hold-up de nos finances publiques.» Bernard Wesphael, lui non plus, n’y va pas avec le dos de la cuillère pour qualifier les agissements du groupe sidérurgique. C’est avec l’association Mouvement de la gauche démocrate et citoyenne qu’il a présenté à Liège, ce jeudi, ses arguments pour faire plier le magnat de l’acier.
Cette association regroupe plusieurs partis ou associations de partis de gauche de ce que l’on appelle «la Grande Région»: le Mouvement de gauche (Wallonie), le Front de gauche (pour la Lorraine française, Die Linke pour la Sarre (Allemagne) et déi Lénk (Grand-duché du Luxembourg).
« Nous avons les moyens juridiques pour exproprier Mittal »
Bloqué par la Flandre, le gouvernement fédéral n’est pas en mesure d’agir rapidement pour sauver la sidérurgie liégeoise, selon les représentants du mouvement. «Par contre, la Région wallonne a tout à fait les moyens juridiques d’exproprier Mittal, de manière immédiate et pour cause d’utilité publique», estime Bernard Wesphael. C’est d’ailleurs la position qu’il a défendue ce mercredi devant le parlement wallon.
Le groupe sidérurgique se serait rendu coupable de nombreuses infractions «que nous pouvons dénoncer juridiquement en termes de return fiscal, en termes d’organisation du travail, mais aussi en termes d’émissions de CO2», avance le député wallon. Sur ce dernier point, «Mittal a reçu gratuitement pour 100 millions d’euros de quotas de CO2, qu’il a revendus par après. Il en a dégagé des bénéfices», dénonce Bernard Wesphael.
Mais c’est surtout avec l’arsenal fiscal mis en place par ArcelorMittal que le Mouvement de gauche dénonce les pratiques du groupe. En particulier en ce qui concerne la SA ArcelorMittal Finance and Services Belgium, filiale du groupe basée à Bruxelles.
« De 1,2 à 1,6 milliard de bénéfices par an… sans payer d’impôt »
«Cette succursale sert de banque à ArcelorMittal et est basée chez nous depuis juillet 2006», explique Francis Bismans, du Mouvement de gauche. «Ses seuls actifs sont les créances des filiales d’ArcelorMittal.» Ainsi, si le capital souscrit de cette société s’élevait à 11,7 milliards d’euros sur la période 2006-2007, il s’est élevé jusqu’à 36 milliards d’euros en 2011, selon les chiffres du Mouvement de gauche.
Les bénéfices avant impôts dégagés par cette «banque» se sont élevés à des sommes comprises entre 1,2 et 1,6 milliard d’euros, de 2008 à 2011. «Dans le même temps, principalement à cause du régime des intérêts notionnels, ArcelorMittal n’a pratiquement pas payé d’impôt sur ces bénéfices: 81,8 millions en 2008, il a même retouché 494000 en 2009 et n’a rien payé en 2010 et2011!»
ArcelorMittal a évacué 37,6 milliards vers le Luxembourg en octobre dernier
Preuve pour Francis Bismans que le groupe ArcelorMittal a planifié la fermeture d’une grosse partie de la phase à froid: ArcelorMittal Finance and Services Belgium a procédé à une importante réduction de capital le 1er octobre 2012, son capital passant du jour au lendemain de 39,6 milliards à 1 milliard d’euros. «Un milliard est parti dans sa filiale belge Industeel, 2,5 milliards vers une société au Luxembourg et puis 35,1 milliards sous forme de cession de créances, toujours au Luxembourg», indique Francis Bismans.
Ingénierie fiscale, pratiques douteuses, revente de quotas de CO2, etc.: autant de manières de fonctionner qui permettent, selon le Movement de gauche, de confondre ArcelorMittal juridiquement.
Une motion au parlement wallon dans 15 jours
«C’est maintenant qu’il faut agir», répète Bernard Wesphael. «Je ne suis pas contre l’idée de soutenir la taskforce mise en place, mais c’est lors de l’annonce de la fermeture de la phase à chaud qu’on aurait dû s’y mettre. On serait prêt à présent pour agir.»
Le député wallon annonce qu’une «motion sera proposée par le Mouvement de gauche au parlement wallon, elle sera votée dans 15 jours» et prônera une expropriation à la fois pour la phase à chaud et la phase à froid.
Une stratégie européenne pour sauver l’acier
«Après, on peut relancer la sidérurgie, par exemple sous une forme de coopérative, avec un actionnariat des travailleurs, comme dans la Sarre, ou encore avec un repreneur», considère le Liégeois.
«L’acier n’est pas obsolète, contrairement à ce que disent certains. Nous sommes les meilleurs du monde dans un paquet de secteurs. La reconversion du secteur, elle est déjà faite» grâce à la recherche et aux technologies de pointe. «Nous sommes quatre partis de gauche dans la Grande Région à défendre cette position. Nous nous battons ensemble», lance Bernard Wesphael.