L’appétit du dragon chinois
L’industrie automobile européenne est-elle sur le point de se faire dévorer par les dents acérées du dragon chinois ? L’épouvantail est agité. Comme dans les années 70 on craignait le "made in Japan". Puis une percée des constructeurs coréens, à l’ambition démesurée. Puis Tesla.
- Publié le 13-09-2023 à 18h39
- Mis à jour le 14-09-2023 à 07h04
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Dans un réflexe protectionniste qui ne peut masquer sa propre faiblesse, la Commission européenne veut enquêter sur les subventions que Pékin accorde à son industrie automobile. L’Association européenne du secteur (l’ACEA), applaudit. "L’annonce de Von der Leyen est un signal positif indiquant que la Commission européenne reconnaît la situation de plus en plus asymétrique à laquelle notre industrie est confrontée", commente Sigrid de Vries, sa directrice. Qui est aussi la première à reconnaître la puissance stratégique déployée par la Chine, déplorant en parallèle le manque d’une "approche robuste et cohérente" en Europe.
La Chine est encore très loin de dominer le marché automobile européen. Mais si elle progresse à pas de géants, ce n’est pas uniquement grâce à ce qui est qualifié de "pratiques déloyales". C’est parce qu’elle a eu une vision du futur de la mobilité. Qu’elle a misé très tôt sur le développement des batteries électriques plutôt que de chercher à combler un fossé sur les moteurs thermiques. Elle a bâti un quasi-monopole, de la même manière qu’elle domine le marché électronique. La Chine c’est 75% de la capacité mondiale de production de batteries aujourd’hui.
Parce que, surtout, s’appuyant sur son immense marché intérieur, sa main-d'œuvre à bas coût et son dynamisme technique et commercial, la Chine a développé une vision holistique. Elle maîtrise l’ensemble de la chaîne des industries qu’elle juge stratégiques: matières premières, raffinage et production, mais aussi énergie bon marché, incitants à l’achat et au recyclage, réseaux de recharge. En 2022, en un an seulement, le pays a installé 800 000 bornes de recharge pour voitures électriques, presque autant que le total ailleurs dans le monde. "Un effort coordonné dès le départ, combiné à l’agilité à chaque étape ultérieure du processus", reconnaît l’ACEA. L’Europe, au-delà des volontés qu’elle exprime à mots forts, est à la remorque. Il faut savoir le reconnaître. Même si son industrie automobile conserve un atout: sa qualité, sa réputation, contre quoi le dragon chinois ne peut rivaliser qu’en avalant des images de marque.