Monde sous surveillance
Lentement, sournoisement, Big Brother étend son ombre malfaisante sur le monde. Nos vies sous surveillance. Sous l’œil scrutateur d’un milliard de caméras placées au service de "l’ordre public", quand ce ne sont pas des "intérêts privés", les gestes, les traits des visages alimentent les névroses de la suspicion.
Publié le 02-05-2023 à 19h02 - Mis à jour le 02-05-2023 à 19h03
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Nous ne sommes pas dans l’État imaginaire d’Océania en 1984, mais en Palestine 2023, dans une zone occupée d’Hébron, où 30 000 Palestiniens vivent au caniveau de 800 colons. Les autorités israéliennes ont baptisé Red Wolf, loup rouge, le système de reconnaissance faciale qu’ils utilisent pour "pister les Palestiniens et les Palestiniennes, et automatiser les très strictes restrictions de leur droit de circuler librement", dénonce Amnesty International. Pour l’organe de défense des droits humains, ce contrôle par fichage généralisé, qui n’est pas (encore) appliqué aux Juifs, "contribue à maintenir le système israélien d’apartheid".
Les mêmes procédés sont utilisés par l’armée à Jérusalem-Est, où Amnesty recense des caméras tous les cinq mètres. "C’est comme si vous étiez traité en permanence comme une cible", témoigne un habitant, oppressé d’être "observé en permanence", soumis à l’objectif du subjectif.
Il ne faudrait pas croire que ces contrôles intrusifs des populations sont réservés aux dictatures et aux pouvoirs militaires sous vernis démocratique. Si la Chine parade en tête au nombre de dispositifs installés (plus de 200 millions), et porte en germe une acceptation inquiétante du contrôle social, ce sont les États-Unis qui comptent le plus de caméras par tête d’habitant. Et l’Europe ne traîne pas. Londres est une des villes les plus "sous surveillance" au monde.
1984 est loin, déjà, et l’espionnage permanent des sociétés s’épanouit au printemps de l’intelligence artificielle. Car s’il est impossible, même pour des millions de fourmis humaines, de tout visionner, de scruter les conversations téléphoniques, d’analyser les échanges sur les messageries et les réseaux sociaux, l’électronique est capable de réaliser ce flicage avec zèle.
Était-il humain, d’ailleurs, le Big Brother sorti de la plume anticipatrice de George Orwell ? Hier aussi, Geoffrey Hinton, l’un des pionniers de la recherche sur l’intelligence artificielle, démissionnait de Google, faisant savoir qu’il regrettait, à présent, le "monstre" qu’il a contribué à créer, y voyant "un risque pour l’humanité". Il est trop tard déjà.