Tout est-il à vendre ?
On en parle, sourire en coin, comme "du plus vieux métier du monde" . Mais si le troc de faveurs charnelles semble remonter au plus lointain des âges, ce métier – s’il convient d’en parler en ces termes –, a été relégué dans les arrière-cours glauques de la plupart des civilisations, au rang des boulots avilissants. Espace de non-droit, récréatif et sulfureux, caché ou proscrit. Une fatalité presque, liée à la condition bestiale de l’humain.
Publié le 17-03-2023 à 19h17 - Mis à jour le 17-03-2023 à 19h18
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Dans l’ultra-commercialisation de nos relations sociales actuelles, dictées par les lois inaltérables de l’argent, se payer un corps, s’offrir l’intime au plus profond dans un furtif simulacre de l’amour, semble à d’aucuns relever d’un simple fait de commerce. Car tout s’achète et tout se vend en ce bas monde.
On peut y voir aussi une nécessité sociale. Du réconfort ou de l’écoute accordés aux infirmes des sentiments, aux démunis des plaisirs. La prostitution a, de tous temps, cumulé cette dimension de soupape qui fait que, masquant une réalité jugée de tristesse, on salue aussi la bravoure des "filles de joie" avec la tendresse d’un Brassens. "C’est pas tous les jours qu’elles rigolent, parole, parole ! Les sous croyez pas qu’elles les volent."
A contrario, la voie radicale de l’interdit est tentante. Certains pays, la Suède ou la France, ont choisi de criminaliser le client, espérant mettre fin à l’offre en tarissant la demande. Sans que cette solution bien pensante démontre une réelle efficacité.
L’approche se doit d’être plus globale, c’est un fait. Il est nécessaire de réglementer, d’encadrer, de fixer les limites, voire de définir un statut légal pour le "travail du sexe". Mais jamais, sans doute, cette normalisation ne pourra balayer des siècles de préjugés. La plus légitime, la plus brutale aussi des questions à se poser quand on s’interroge sur sa propre perception, n’est-elle pas: "voudrais-je de ce métier pour ma fille ou mon fils ?"
La prostitution ne serait qu’affaire de morale si elle ne traînait derrière ses néons rouges, ses rideaux de velours sales et ses draps usés, son lit de contraintes, de violence, de larmes et de coups. Elle pourrait être expression de liberté, elle n’est le plus souvent qu’exploitation criminelle des fractures d’autrui, domination exercée singulièrement sur les femmes, victimes encore, et sur toutes les fragilités. Et l’obscénité est encore plus criante quand des prédateurs sans scrupule profitent de la vulnérabilité des plus jeunes.