La colère "rentrée" des Français
Avec la réforme des retraites, le gouvernement français joue gros. Peut-être bien plus que cette seule réforme.
Publié le 06-03-2023 à 20h18 - Mis à jour le 06-03-2023 à 20h20
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Invité, au cours de l’année 2021, dans une grande école de commerce pour y disserter sur l’exercice du pouvoir, l’ancien Premier ministre français Édouard Philippe tente d’expliquer les raisons ayant amené à la fameuse crise des Gilets Jaunes, trois ans plus tôt. Il égrène alors le nombre de mesures impopulaires que son gouvernement a fait passer avant que les citoyens ne "craquent". Les ordonnances travail, qui ont considérablement dilué le pouvoir des syndicats dans les entreprises ? "Ça passe", dit Philippe. La réforme de la SNCF et l’ouverture à la concurrence ? "Ça passe." La sélection à l’entrée de l’université (Parcoursup) ? "Bon, certaines universités sont occupées", mais "on les désoccupe..." "Et ça passe".
Et puis, arrive la taxe carbone (qui s’applique aux automobilistes). Patatras : "Ce qui est passé auparavant ne va plus passer", constate-t-il, suggérant très clairement que c’est bien l’accumulation de toutes ces mesures (et non la taxe seule) qui a contribué à déclencher la révolte.
Pourtant, Édouard Philippe, ainsi qu’il l’a confessé devant les étudiants, avait fait cette prédiction pendant l’été 2018, juste avant la taxe carbone : "Il y a une colère, rentrée, dans la population française, qui va exploser (...)" Mais alors pourquoi ne s’est-il pas arrêté ? Parce qu’ "on ne sait jamais laquelle des gouttes est la dernière..."
Ces jours-ci, en France, la réforme qui consacre un report de l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans suscite une contestation sociale importante et fait craindre au gouvernement des grèves, des manifestations et, in fine, un blocage total de l’économie. Or, entend-on, si la France fait cette réforme c’est qu’elle "doit" envoyer des signaux positifs aux "marchés" (comprendre : les créanciers de l’État). Et ceux-ci, selon certains économistes néolibéraux, ont besoin d’être rassurés, un peu comme un patron a besoin de savoir que ses employés sont prêts à faire des heures supplémentaires pour sauver la boutique. Difficile d’expliquer ça aux travailleurs déjà bien cassés, dont un bon nombre battront le pavé, ce mardi, dans toute la France. D’ailleurs, pour l’instant, ce n’est pas d’eux dont le gouvernement a peur. Mais il suffit d’une goutte avant que le vase ne déborde.