L’argent, là où il est…
Quand on évoque l’impôt sur la fortune, c’est souvent à nos voisins français qu’on pense. Pourtant, la Belgique a connu elle aussi son ISF. Ça se passe en 1945. Anéanties par les années de guerre, les finances publiques présentent une dette quadruplée par rapport à la période d’avant-guerre. Les poches de l’État sont vides. Par contre, les " profiteurs de guerre " se sont enrichis pendant l’Occupation.
Publié le 16-01-2023 à 06h00
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C’est Camille Gutt, alors ministre des Finances, qui introduira l’idée de cette taxe inédite chez nous: l’impôt sur le capital. Son successeur le mettra en œuvre sous la forme d’un prélèvement unique de 5% sur le patrimoine de tous les Belges et de toutes les personnes morales. L’opération permettra d’aller chercher 47 milliards de francs (la dette s’élevant à 279 milliards).
Près de 80 ans plus tard, ce n’est pas la guerre mais la pandémie qui gonfle les portefeuilles des plus riches, pendant que la pauvreté progresse dramatiquement. "Nous sommes dans une situation un peu similaire à ce qu’on a vécu après la Seconde guerre mondiale", considère Oxfam Belgique (page 8). Qui demande à l’État belge d’aller chercher l’argent là où il est, en prélevant un impôt sur la fortune.
Oxfam n’est pas seul à nourrir ce plaidoyer pour taxer les plus riches. Au printemps dernier, l’administration de Joe Biden inscrivait dans son projet de budget 2023 un impôt minimum de 20% pour tous les détenteurs d’un patrimoine de 100 millions de dollars. En Europe, la Banque centrale européenne soutient aussi l’idée de taxer les plus riches et les surprofits.
À Davos, où le Forum économique mondial commence ses travaux cette semaine, les manifestants essaient de se faire entendre dans la rue: ils exigent une taxe climatique sur les "super riches" et l’annulation de la dette des pays du Sud. L’élite politique et économique qui participe au sommet de Davos semble elle-même consciente de vivre un tournant majeur: crises multiples, limites de la mondialisation… C’est peut-être là, dans le canton des Grisons, que pourrait s’organiser la réduction des inégalités, via des mesures fiscales à l’échelle mondiale. Du moins si ce n’était pas aussi le meilleur "spot" pour faire des affaires en un temps record, entre la salle de sport et le toit-terrasse de l’hôtel, avec vue imprenable sur les remontées mécaniques…