Drogues : penser autrement
Il n’y aura pas de militaires déployés dans le port d’Anvers. La question "ne se pose pas" estime la ministre de la Défense qui n’y voit aucune plus-value dans la lutte contre la criminalité liée à la drogue, les soldats n’ayant pas de pouvoir de police, et peu de facultés d’enquêteurs. Ludivine Dedonder n’est heureusement pas la seule, au sein de la majorité fédérale, à trouver "mauvaise" cette idée pourtant relayée par son collègue MR David Clarinval.
Publié le 11-01-2023 à 19h00 - Mis à jour le 12-01-2023 à 11h35
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Le problème est sérieux. Il mérite mieux que des suggestions simplistes, aux relents populistes. La Belgique n’est ni le Mexique ni la Colombie, mais si les autorités ne prennent pas la mesure de cette criminalité, elle s’installera durablement. On s’y dirige déjà. La mort d’une fillette de 11 ans, tuée par balle lundi, victime innocente de la guerre menée à l’arme lourde par les trafiquants dans la métropole anversoise, est venue nous rappeler d’une façon brutale combien ce phénomène prend une ampleur intolérable. "Il y aura d’autres tragédies", a prévenu le ministre Van Quickenborne, lui-même directement menacé.
Ne nous berçons toutefois pas d’illusions. Ni une coopération accrue avec nos voisins hollandais, ni le renforcement des budgets et des contrôles, ni même le déploiement de davantage de policiers ne viendront à bout d’un tel fléau. L’épreuve de force n’effraie pas les criminels.
110 tonnes de cocaïnes ont été saisies dans le port d’Anvers l’an dernier, et 50 tonnes dans celui de Rotterdam. 10% du trafic aurait ainsi été intercepté. Et après ? Pour des trafiquants qui brassent des milliards de dollars, cela n’est qu’un risque calculé dans le juteux business qu’ils contrôlent depuis l’étranger. En saisir 20% ne les fera pas plier.
160 tonnes de cocaïne, qui se consomme au gramme, cela représente combien de prises, dans combien de narines ? Nous devons, avant tout, nous interroger sur l’ampleur d’une consommation qui touche autant de citoyens à l’échelle de l’Europe. L’usage de stupéfiants est un défi de société, comme l’est l’alcool, que ne pourra résoudre une obsession de répression. La prohibition aux États-Unis a démontré que l’interdit est le moteur des réseaux du crime, et la lutte contre la drogue qui a suivi se montre aussi vaine, destructrice. Un pays comme le Portugal, qui a totalement dépénalisé la consommation individuelle de l’ensemble des drogues, obtient de meilleurs résultats. Mais il faut oser une autre pensée.