Le risque d’un accord microfissuré
Fumée blanche dans le ciel de Doel et de Tihange. Après des mois de tergiversations et de discussions avec Engie, le gouvernement tient enfin un premier accord pour prolonger de dix ans l’exploitation de Tihange 3 et Doel 4, les réacteurs les plus récents de notre parc nucléaire.
Publié le 09-01-2023 à 21h40 - Mis à jour le 11-01-2023 à 12h57
:focal(370x316:380x306)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/XWOBNASDGRBR7L25W6OKHZM6ZY.png)
Un accord ? Plus exactement un projet d’accord, car Engie va encore faire durer le suspense avant de placer sa signature définitive en bas du contrat de mariage.
Et pour cause, l’énergéticien français a obtenu de l’exécutif ce dont il rêvait depuis des années: un plafonnement du coût inhérent au futur traitement des déchets nucléaires. Et il compte bien attendre la fixation des paramètres techniques et financiers, avant de s’engager définitivement.
Pour le Premier ministre Alexander De Croo, la volonté d’Engie d’obtenir ce plafonnement était "légitime". Certes, mais cette limitation très singulière du sacro-saint principe de "pollueur-payeur" fait désormais reposer un risque sur la tête des futurs contribuables.
Ce plafonnement du passif nucléaire, c’est en fait l’incroyable prix à payer pour le manque d’anticipation qui a caractérisé la politique énergétique de la Belgique durant ces vingt dernières années. Depuis le vote de la loi de sortie du nucléaire en 2003, notre pays s’est démarqué par une absence de stratégie énergétique à long terme.
Ce "deal" avec Engie, c’est aussi la douloureuse facture d’une cécité qui a touché toute l’Europe. Car si le marché libéralisé de l’énergie a permis à certains producteurs de s’octroyer de plantureux bénéfices, il s’est illustré par son incapacité à générer de nouveaux outils de production. Une anomalie qui n’effrayait pourtant pas grand monde.
Enfin, si la sécurité d’approvisionnement semble désormais assurée jusqu’en 2036, la Belgique devra impérativement changer de méthode. Espérons que le constat d’une responsabilité collective dans cet échec de deux décennies permettra d’engager notre pays sur la voie d’une véritable stratégie énergétique pour les cinquante prochaines années. Si tel n’était pas le cas, cet accord de janvier 2023 apparaîtrait rapidement comme étant… microfissuré.