Immigration: la Suède joue avec le feu (édito)
Que penser du discours actuellement martelé par le gouvernement suédois, qui, pour qualifier l’immigration, parle de «société de l’ombre» qu’il faut «éradiquer» ?
Publié le 08-12-2022 à 20h44 - Mis à jour le 09-12-2022 à 10h33
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En politique plus qu’ailleurs, les mots sont en général dûment sous-pesés avant d’être prononcés. Cela se comprend : le message ayant vocation à être répété autant de fois que possible pour atteindre sa cible, mieux vaut y réfléchir à deux fois avant d’employer telle ou telle expression - l’effet pouvant s’avérer désastreux si les termes sont mal choisis.
Dès lors, que penser du discours actuellement martelé par le gouvernement suédois, qui, pour qualifier l’immigration, parle de "société de l’ombre" qu’il faut "éradiquer" ?
D’abord, que ces termes ne sont ni accidentels, ni nouveaux ; si ces mots sont bien prononcés par un gouvernement très à droite (et qui s’est allié avec l’extrême droite pour remporter les élections), on se rappellera que la Première Ministre social-démocrate parlait, elle, de "société parallèle". Avant, justement, de perdre les élections.
"Société de l’ombre", "société parallèle", tout ce vocable revient à dire ceci : ces gens-là ne sont pas "nous", mais ils sont organisés pour nous menacer, voire - qui sait ? - nous remplacer.
Au-delà de la politique qui sera effectivement menée, il faut s’interroger sur le sens de ces mots et ce qu’ils disent de la mentalité de la majorité de la classe politique suédoise. À quoi jouent-ils ? Pensent-ils vraiment ce qu’ils disent ou courent-ils "seulement" après les voix d’une extrême droite restée hors du gouvernement, et qui se régale de voir son discours repris en boucle par les partis dits "de gouvernement" ou de "responsabilité" ?
Songent-ils, ces partis qui veulent "éradiquer", qu’ils parlent de personnes réelles ? Que les sociétés "parallèles" qu’ils évoquent font en réalité partie intégrante de la société suédoise ?
L’emploi de ces expressions nauséabondes est d’autant plus dommageable que la Suède est le prochain pays à prendre la présidence tournante de l’UE (au premier semestre 2023). Espérons que d’ici là, aucun citoyen suédois ne soit tenté d’aller éradiquer lui-même les "sociétés de l’ombre" pointées par ce gouvernement. Cela serait dramatique. Sur le plan humain, bien sûr. Mais aussi politique.