Un pays au bord de l’abîme
La mission royale belge au Congo s’achève aujourd’hui, après presque une semaine à sillonner le pays, des rues bondées de Kinshasa aux villages du Haut-Katanga, en passant par la zone sous tension de Bukavu (nord-est). Pour cette visite historique (la première du roi Philippe), on ne pourra en tout cas pas reprocher à la délégation belge (ainsi qu’au pouvoir congolais) d’avoir fait les choses à moitié. Entre l’aide au développement, la santé, la biodiversité ou encore la sécurité, les deux pays ont mis les bouchées doubles afin de présenter l’image d’une relation apaisée et optimiste, qui n’oublie pas son passé douloureux mais garde les yeux tournés vers l’avenir, pour reprendre un message matraqué en boucle au cours de ces derniers jours.
Publié le 13-06-2022 à 06h00
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Ce vœu de coopération réussie dans les années à venir va toutefois être mis à rude épreuve ces prochains mois. Côté congolais, le pays doit impérativement sortir de l’ornière économiquement désastreuse dans laquelle il se trouve: plus de la moitié de la population du pays, qui compte une centaine de millions d’habitants, vit dans l’extrême pauvreté. En milieu rural, selon les données de la Banque mondiale, moins de la moitié (46%) des gens ont accès à une source d’eau potable. Dans le nord-est du pays, des groupes armés attisent les braises d’un conflit ouvert avec le voisin rwandais, et personne, d’un côté comme de l’autre, ne semble disposé à rouvrir la porte d’une nécessaire diplomatie.
Enfin, l’échéance présidentielle prévue pour 2023 (et avant cela, la possible ratification d’une loi électorale très décriée) devrait un peu plus renseigner sur la nature de Félix Tshisekedi. Le président congolais se présente certes en homme de bonne volonté sur plusieurs plans, mais son bilan, y compris en matière de social et d’État de droit, dit plutôt le contraire.
Côté belge, il apparaît que ce futur politiquement très incertain ne pose pas réellement problème. La coopération doit de toute façon avoir lieu, explique-t-on, pour le bien de la population congolaise. C’est très louable, évidemment. Mais cela ne doit pas empêcher la Belgique de juger son interlocuteur sur ses actes, comme elle le ferait avec n’importe lequel de ses partenaires. Félix Tshisekedi a laissé entendre qu’il écouterait les éventuelles critiques qui proviendraient de Belgique. Et celles de son propre peuple?