L’ennemi idéal
Ce sera donc un duel Macron - Le Pen au second tour de l’élection présidentielle française. Comme en 2017, à ceci près que les intentions de vote en faveur de Marine Le Pen avant le second tour sont nettement plus élevées qu’il y a cinq ans, quand Macron l’avait emporté avec plus de 66 pourcents des suffrages.
Publié le 10-04-2022 à 23h58
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À l’époque, le président sortant avait été élu « sur du velours ». Après une campagne émaillée de scandales et de déchirements internes chez les deux grands partis traditionnels du pays (LR et le PS), Macron n’avait plus eu qu’à surjouer jusqu’au bout sa partition « ni droite ni gauche » face à une Marine Le Pen mal préparée et ne croyant pas vraiment en ses chances de victoire. Cinq ans plus tard, le fameux « ni-ni » a changé de camp. La cheffe du Rassemblement national a (presque) tout misé sur le social et le pouvoir d’achat, évitant de se mouiller sur les thèmes susceptibles de ternir son image. Lors de la pandémie, elle a, par exemple, louvoyé entre les gouttes conspirationnistes, critiquant l’usage du vaccin (notamment pour les enfants), sans toutefois plonger la tête la première dans un discours antivaccin primaire, contrairement à l’ancien vice-président de son parti, Florian Philippot, ou à d’autres personnalités d’extrême droite.
Sans surprise, elle en a dit le moins possible sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, elle qui a toujours soutenu le régime autoritaire de Vladimir Poutine.
Même sur l’immigration et la sécurité, thèmes traditionnellement prisés par son parti, elle n’a pas eu à se démener: Éric Zemmour, mais aussi la candidate LR Valérie Pécresse, se sont chargés – et pas malgré eux – de maintenir ces thèmes en haut de l’attention médiatique.
Face à cette candidate aux idées devenues si tristement banales, le positionnement "centriste" d’Emmanuel Macron pourrait ne pas suffire. À l’heure dite, il risque de traîner comme un boulet le mouvement des gilets jaunes, mais aussi l’affaire McKinsey, du nom de ces cabinets de conseils privés exécutant – parfois – des missions stratégiques pour le compte de l’État – et souvent, pour un prix non négligeable.
Du pain bénit quand il s’agit de flatter les classes populaires (de droite comme de gauche), qui perçoivent depuis longtemps Macron comme éloigné du peuple et de ses préoccupations. Marine Le Pen, en bonne populiste de son temps, le sait bien : il est l’ennemi idéal en ces temps incertains.