Rêve orange
Il n’y a pas de terrasse ouverte chez le marchand de glaces. Pas encore. À deux pas, au bord de l’Ourthe, un large hémicycle en grosses pierres fait l’affaire.
Publié le 19-04-2021 à 06h00
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Se caler au soleil, fermer les yeux, entrer tout habillée dans la mer orange qui afflue sous les paupières et laisser les sons, l’écho des autres vies, prendre toute la place.
Le vent gobe les conversations. Il n’en renvoie que des bribes délicieuses, un grand cadavre exquis.
«Y a une femelle et trois canards!», «OK, tout le monde est là? Jean?», «J’ai respiré une mouche…», «Chocolat, stracciatella!», «Nous, on a aligné les prises de courant…», «Si ta glace tombe, je ne la ramasse pas!», «Bien, merci!», «Non, ça ne montera plus maintenant», «Donne! Doooonne!», «Non, pour moi, c’est pas de la timidité, ça…»
Le bruit mat d’une chute, suivi de brefs sanglots, une puissante trompette de narines dans un mouchoir, les plumes des pigeons lustrant le pavé, queue en éventail, en pleine parade, la plainte aiguë des balançoires derrière l’hémicycle, un claquement de laisse à enrouleur, l’incroyable bourdonnement de ruche au passage d’un peloton cycliste. Le silence, un peu.
C’est une carte postale. Une peinture naïve. Un film de Tati. Face au soleil, dans la tempête orange qui bouillonne sous les paupières, c’était 20 minutes de vacances immobiles. Parfaites.
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