Défendre l’icône
L’ordre règne à nouveau en Birmanie: dix ans après avoir dû le céder aux civils, l’armée a repris le pouvoir, qu’elle a déjà exercé pendant un demi-siècle depuis l’indépendance du pays.
Publié le 02-02-2021 à 06h02
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La parenthèse démocratique se ferme et, à 75 ans, Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix en 1991, se retrouve une nouvelle fois sous les verrous.
Depuis vingt ans, son icône a singulièrement pâli. Des voix se sont même élevées pour réclamer qu’on lui retire cette prestigieuse distinction, en raison de son attitude à l’égard des Rohingyas, la minorité musulmane de l’État d’Arakan.
Une persécution déclenchée par les militaires, en 2017, y a fait au moins 10 000 morts, et en a poussé 750 000 vers le Bangladesh voisin, où ils survivent dans des conditions précaires. Et selon des organisations humanitaires, l’État birman s’est emparé de nombre de leurs terres pour construire des structures administratives, afin d’accroître son emprise sur la région.
D’Aung San Suu Kyi, qui a subi elle-même, pendant de nombreuses années, la répression militaire, le monde attendait des paroles de soutien; elle a stigmatisé l’activité des «terroristes» locaux, qui aurait postulé une reprise en mains de la région…
Exprimait-elle alors une conviction personnelle, ou n’avait-elle de choix que de soutenir une armée dont le poids restait prépondérant dans la société birmane? Les événements de ce week-end pourraient aider à trancher la question.
Il n’est en tout cas pas indifférent de constater que le coup d’État militaire s’est produit à la veille du jour où allait s’installer un Parlement renouvelé, dominé par le parti de la Prix Nobel de la Paix 1991. Et donc renforçant le pouvoir civil et l’évolution démocratique du pays.
L’armée y a brutalement mis fin, après avoir vainement tenté de jeter le discrédit sur le scrutin législatif.
Son intervention était prévisible: l’appel à la résistance d’Aung San Suu Kyi avait été rédigé à l’avance.
Les militaires ont annoncé des élections dès la fin de l’état d’urgence, dans un an. Personne n’est dupe.
Il reste à la communauté internationale à défendre la démocratie birmane, et celle qui l’incarne depuis de nombreuses années. Malgré les réserves qu’elle a légitimement suscitées. Parce qu’en démocratie, un leader parfait n’existe pas.
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