CARTE BLANCHE | Vers des systèmes alimentaires sains pour les citoyens, durables pour la biodiversité et résilients face aux crises
Signataires: – Emmanuelle Beguin, Responsable Politique Agricole, Natagora – Marc Fichers, Secrétaire général, Nature & Progrès – Sylvie Meekers, Directrice générale, Inter-Environnement Wallonie – Monica Schuster, Chargée des politiques alimentation et agriculture, WWF Belgique – Sébastien Snoeck, Expert agriculture durable, Greenpeace Belgique
Publié le 09-04-2020 à 07h00
:focal(545x371.5:555x361.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/5WEIURLFQRF4LC4ZPDRE4B6DWE.jpg)
Crise du COVID: vers des systèmes alimentaires sains pour les citoyens, durables pour la biodiversité et résilients face aux crises
Que va-t-on manger demain? Nos producteurs seront-ils à même de nous nourrir?
La pandémie liée au COVID-19 a ébranlé nos sociétés et notre quotidien à toutes et tous. Notre système alimentaire n’y a pas échappé. Les États sont appelés à maintenir leurs marchés et frontières ouverts, mais les conséquences du confinement sont déjà là: pénurie de main-d’œuvre saisonnière, angoisse des consommateurs, augmentation du prix de certaines denrées, ruée vers les filières locales, secteur agroalimentaire et export en berne.
Le système va-t-il tenir le coup?
Toute crise naît de la rencontre de deux facteurs: d’une part, un terrain vulnérable, et d’autre part un élément déclencheur qui met le feu aux poudres. L’épidémie de COVID-19 ne fait que mettre en lumière la vulnérabilité de notre système alimentaire. Alors que l’agriculture wallonne a le potentiel de nourrir la Wallonie, Bruxelles et au-delà, elle ne répond qu’à 17% de ses besoins en fruits et légumes et seuls 9% des céréales produites en Wallonie sont destinées à l’alimentation humaine. Elle dépend fortement des marchés extérieurs pour ses intrants et ses exportations (viande bovine, lait, pommes de terre etc.). Cette crise nous met face aux limites de nos marchés agricoles mondialisés, régis par des économies d’échelles et des prix aux consommateurs toujours plus bas.
Célébrons la persévérance de nos agriculteurs wallons en ces temps difficiles. Et si la crise se transformait en crise alimentaire, pourront-ils réorienter leurs productions et nous nourrir? Nous avons plus que jamais besoin d’eux. Soyons créatifs: préparons la transition à venir de notre agriculture vers des systèmes alimentaires durables, sains et plus résilients face aux crises.
La transition vers un système alimentaire durable et résilient est urgente
“On doit relocaliser un certain nombre d’activités chez nous. Je salue le retour des consommateurs vers une agriculture de proximité. Nous avons des produits de très grande qualité près de chez nous», twittait Willy Borsus le 24 mars. La question d’une plus grande autonomie pour nos agriculteurs et notre alimentation est dans toutes les têtes. Les solutions sont déjà en marche: circuits courts, coopératives de producteurs et nouvelles filières qui s’organisent. Comment permettre à la majorité des agriculteurs de faire ce pas et répondre en priorité à la demande alimentaire locale en produits sains et de qualité?
Ne sous-estimons pas les enjeux environnementaux dans cette réflexion. La santé humaine, la santé animale et la santé de la Nature ne font qu’un. Il s’agit de retrouver un équilibre entre la production et les ressources disponibles. La nature et la biodiversité peuvent remplacer les services rendus par les engrais et pesticides, et augmenter notre autonomie. Elles méritent de retrouver leur place dans toutes les fermes wallonnes.
Nous devons saisir l’opportunité de réfléchir ensemble à rendre notre alimentation plus autonome, durable pour l’homme et la nature et résiliente face aux crises.
Notre coalition de cinq associations environnementales souhaite porter à l’attention du gouvernement les 4 points suivants:
Le gouvernement wallon vient d’annoncer la création d’une task force agriculture et alimentation. Au-delà de la gestion à court terme des approvisionnements, l’essentiel sera de tirer les enseignements de la crise. Nous appelons à un débat public avec toutes parties prenantes sur l’avenir de notre système alimentaire en Wallonie.
D’autre part, la politique de relance devra être un plan de sortie de crise aligné sur le Green Deal européen et la stratégie Farm to Fork de la Commission.
Ensuite, l’élaboration du plan stratégique de la Politique Agricole Commune (PAC) pour la Wallonie restera le jalon principal en 2020-2021 pour le secteur agricole. La PAC a une influence déterminante sur notre alimentation, notre santé, nos paysages et les “biens publics” que sont le climat et la biodiversité. Le plan proposé devra être lu au regard de tous ces enjeux et de la transition écologique.
Enfin, la politique économique devrait aborder l’investissement dans les filières stratégiques, l’augmentation de la capacité de transformation et de commercialisation au niveau régional, notamment pour le secteur bio, l’application du principe “pollueur-payeur” et les incitants pour les modèles vertueux (ex. agroécologie, bio, coopératives etc.).
La Wallonie a d’immenses atouts à valoriser dans cette nouvelle donne. Elle peut devenir un modèle en Europe. Nous serons là pour contribuer à ce changement.