Quand la quête du bonheur devient néfaste… Comment résister à la "bonheurocratie" ?
À l’heure où le développement personnel et la course au bonheur sont érigés en véritables diktats, que faire face à ce "sois heureux et tais-toi" qui semble dicter nos vies ?
Publié le 22-03-2023 à 18h00
:focal(544.5x356:554.5x346)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/RA5HGFNMJ5C4JF6E3WHYLFCC4I.jpg)
La positive attitude a le vent en poupe, les livres de développement personnel sont les seuls à ne pas connaître la crise et partout, on vous parle "ancrage", "instant présent" et "reconnexion à soi". Vous aussi, vous la sentez, cette injonction à être heureux ? Si le bonheur est un objectif de vie séduisant, il se fait oppresseur, avec cette idée que nous serions seuls maîtres de notre bien-être et que finalement, ce n’est pas si compliqué. Le danger de cette "bonheurocratie" dans laquelle nous vivons est dénoncé par Pascal Minotte, psychologue et chercheur au CRéSaM à Namur (Centre de référence en santé mentale).
Paradoxes et pression
"Tout d’abord, cette injonction au bonheur crée des paradoxes : on se met une pression terrible qui produit l’effet inverse ! Cela crée aussi des attentes irréalistes, que nous nourrissons avec la vie idéale des autres que nous renvoient les réseaux sociaux, notre entourage, les médias…" Car la vie n’est pas toujours parfaite. "La vie n’est pas une euphorie permanente. Vivre l’instant présent, c’est super, mais ce n’est pas toujours possible ! Allez dire à une maman surmenée par la charge mentale, quelqu’un dépassé par son boulot, de possibles problèmes financiers ou de santé, de vivre l’instant présent et de faire de la méditation… Bien sûr, on peut vivre des moments comme cela, mais nous vivons en 3D avec le passé, le présent et l’avenir."
Mensonges et faux-semblants
Le danger réside aussi dans l’idée que l’individu est seul responsable de son bonheur. "Il y a des déterminants sociaux, économiques, culturels… Tout dépend de la vie qu’on a. Et encore, tout le monde à des problèmes et personne n’est heureux tout le temps. Cette injonction au bonheur fait croire, à tort, que le bonheur ne dépend que de facteurs intérieurs. C’est impossible." Pour autant, placer le bonheur comme indicateur dans notre vie reste important. "Avec le Covid, on a vu la santé mentale revenir au premier plan, et c’est positif, car c’est un vrai problème de société ! Libérer la parole, oui, mais transformer le bonheur en dictature, non. J’ai l’impression que nous vivons une période de perte de sens (notamment avec l’affaiblissement de la religion), que nous voulons combler à tout prix. Cela rassure, dans une société de plus en plus anxiogène." Comment prendre du recul ? "Accepter qu’on ne puisse pas être tout le temps heureux, mais tout de même équilibré. La vie est un processus, pas un régime totalitaire où l’on doit marcher sur un petit nuage en permanence." En allant puiser juste ce qu’il faut de conseils et de méthodes pour vous épanouir et vous sentir mieux, n’oubliez pas le plus important: être vous-même et faire du mieux que vous le pouvez est déjà merveilleux.