Notre reportage en Ouzbékistan, sur la route de la soie
En route pour un voyage digne des "Mille et une nuits", à la découverte d’un pays aux richesses multiples: architecture, nature et coutumes.
Publié le 02-03-2023 à 09h16 - Mis à jour le 09-03-2023 à 12h00
Les chemins de la route de la soie étaient multiples et partaient de la Chine vers l’Europe. Celle qu’on a appelée la grande route de la soie traversait l’Ouzbékistan: Ferghana, Tashkent, Samarcande, Boukhara, Khiva. Un parcours jalonné de caravansérails, lieux de repos, d’échange et de vente des marchandises transportées à dos de chameau.
Aujourd’hui, ces villes vivent en grande partie du tourisme grâce à une restauration programmée dès 1991 lorsque le pays a obtenu son indépendance. Car entre 1873 et 1991, l’occupant soviétique n’a cure de l’architecture de l’Asie centrale, les monuments ne sont pas entretenus et, pire, sont vidés de leurs richesses. Les 30 dernières années du régime soviétique voient aussi le pays se transformer en vaste champ de culture intensive du coton, sacrifiant la mer d’Aral aujourd’hui asséchée.
De nos jours, cette culture occupe encore une partie des terres et on découvre en septembre ces nuages blancs éclatants qui s’épanouissent le long des routes en attendant la récolte.
À la fin de l’été, les marchés regorgent de fruits. Grenades, pommes, melons, pastèques colorent les étals, tout comme les fruits secs qu’on trouve en profusion, comme les raisins, abricots, dattes, noix, pistaches. Sans parler des épices, des thés et des tisanes qui parfument les tables des tchaïkhanas, maisons de thé qui se transforment en restaurants.
Une vision authentique
Impossible de parler de l’Ouzbékistan sans évoquer le désert qui occupe deux tiers du territoire. La variété des paysages y est étonnante: steppes couvertes d’épineux, chaînes de montagnes frôlant les 2 000 mètres, dunes de sable et même un fleuve, l’Amou Daria, qui offre en plein milieu de nulle part, la possibilité de déguster du poisson frais.
Quelques petites fermes avec leur élevage de moutons astrakans animent le paysage. On découvre aussi les richesses naturelles du pays avec les extractions de pétrole et de gaz le long de la seule route de 450 km entre Boukhara et Khiva.
Samarcande, Boukhara et Khiva retrouvent toute leur splendeur et offrent encore une vision authentique de la vie et des coutumes, même si l’afflux croissant de touristes pourrait dénaturer ces lieux d’histoire.
A voir et à manger
Les tapis

Boukhara a été l’un des grands centres d’Asie centrale pour la confection de tapis et reste aujourd’hui une ville où on trouve les plus belles pièces. On peut, près de Poy Kalon, visiter un atelier pour admirer la dextérité des ouvrières. Tapis en coton ou en laine, et surtout le très souple tapis de soie: le modèle dit "tapis volant" est tissé sur les deux faces et certains demandent 24 mois de travail à deux ouvrières.
Les miniaturistes

La miniature est une tradition depuis l’époque de Timur. Paysages, scènes de chasse, rencontres amoureuses ou récits légendaires sont les sujets de prédilections de ces témoignages de la vie. Avec souvent des papiers de soie anciens comme support, le miniaturiste utilise des couleurs naturelles et des feuilles d’or pour les œuvres plus élaborées. À Boukhara, Davron et Davlat Toshev sont des artistes à la réputation internationale.
Le plov

Le plov est le plat national. Le riz, le mouton et les carottes sont les ingrédients de base mais, selon les régions et les occasions, on y ajoute moult légumes, tomates, oignons, poivrons, ail, raisins, viandes de bœuf, de cheval et, pour les fêtes, des cailles farcies accompagnées de leur œuf. Si le plat était à l’origine préparé à l’huile de coton peu digeste, l’huile de tournesol rassure aujourd’hui les intestins fragiles.
Le pain

Il faut se rendre au grand marché Chorsu de Tashkent pour découvrir la cuisson du pain ouzbek qu’on trouve sur toutes les tables, du petit-déjeuner au souper. Ces pains sont cuits dans des fours en terre où ils sont adroitement collés sur les parois. Leur forme est toujours la même, ils sont gonflés sur le pourtour et plats au milieu, percés de petits trous qui créent un joli décor. Ils se dégustent de préférence frais et encore tièdes, un délice.
Les trois incontournables
1.Samarcande, la cité magnifique
Samarcande, la ville timouride, capitale d’un empire qui s’étendait de la mer Noire à l’Inde, a conservé ses incroyables merveilles.

Perle de l’Orient, Samarcande, située au sud-est de l’Ouzbékistan, est le symbole de cette route de la soie qui fait tant rêver. Avant de visiter ses sites éblouissants, on constate que Samarcande est une ville moderne aux grandes avenues, aux quartiers en pleine rénovation, aux parcs immenses avec des pelouses constamment arrosées.
La ville est aussi très jeune, on y croise de nombreux étudiants en uniforme sobre (jupe et pantalon noirs, chemisier blanc) qui, dès qu’ils rencontrent un étranger, engagent la conversation. L’apprentissage des langues étrangères semble y être indispensable.
La place du Registan constitue un véritable choc. Immense et impressionnante – d’autant que la pandémie a fortement limité le nombre de touristes – elle est flanquée de ses trois énormes madrasas (édifices musulmans dédiés aux sciences): Oulough Begh (du nom d’un petit-fils de Timur, le fondateur de la dynastie des Timourides) du XVe siècle, Tilla Kari du XVIIe et Chir Dor du XVIe. On ne peut rester indifférent devant ce panorama d’une richesse incroyable, avec des portes immenses, des décors fastueux de céramique sur lesquelles se reflète le soleil, des coupoles d’un bleu éclatant, des colonnes torsadées, des plafonds impressionnants décorés de feuilles d’or sur fond bleu, la couleur dominante, et des minarets impressionnants.
Le mausolée d’un cousin de Mahomet
Peu de théâtres au monde peuvent rivaliser avec une telle mise en scène. Devant tant de beauté, on a du mal à s’imaginer que sur cette place étaient exécutés les prisonniers ("Registan" signifie "place du sable" car on en jetait pour absorber le sang des victimes).
Non loin de là, le Gour Emir ou mausolée de Timur (ne dites pas Tamerlan, qui signifie Timur le boiteux !) accueille aussi des mosaïques, des majoliques et des feuilles d’or qui recouvrent les murs et le plafond en feuilles de papyrus.
Un des sites les plus impressionnants de Samarcande est sans aucun doute le Sha-i-Zinda, le mausolée de Qassim-ibn-Abbas, cousin du prophète Mahomet, décapité pendant sa prière au pied des 40 marches menant au mausolée. Le Sha-i-Zinda est aujourd’hui un lieu de pèlerinage important. Y venir trois fois équivaut à un voyage à La Mecque.
Après avoir traversé le marché couvert, on arrive à la mosquée Bibi Khanum (la Grande Dame, épouse préférée de Timur), la plus grande d’Asie centrale, mais sérieusement endommagée par les tremblements de terre fréquents dans la région. Un regret, que les vieux quartiers avoisinant toutes ces merveilles aient été démolis pour faire place à la modernité.
2.Les minarets de Khiva

Forteresse entourée de remparts sur 600 m de longueur et 400 ms de largeur, Ichan Khala, la vieille ville, est une pépite où sont concentrées toutes les richesses architecturales. On y pénètre par une des quatre grandes portes situées aux points cardinaux. On est ébloui par les minarets décorés de céramique – le splendide Kalta Minor – et le mausolée Pakhlavan Makhmoud aux majoliques intérieures d’une grande beauté. Au coucher de soleil, la promenade sur les remparts est un moment magique.
3.Bouskhara et ses madrasas

Oasis au milieu du désert du Kyzil Kum, Boukhara doit son surnom aux 64 madrasas de la ville, des écoles coraniques pour beaucoup transformées en musées, hôtels, boutiques ou marchés artisanaux. On parcourt plus de dix siècles d’histoire au travers des rues et parcs de la ville: du mausolée Ismail Samani bâti au IX siècle et conservé intact pendant des siècles parce qu’enterré pour le protéger de l’envahisseur mongol, au palais d’été de l’émir, Sitori-i-Mokhi Khosa (soit le palais de la Lune et des étoiles) terminé en 1912. Sur l’imposante place Poy Kalon se trouve la deuxième plus grande mosquée du pays après Bibi Khalum à Samarcande, face à la Madrasa Mir-i-Rab toujours en activité et à côté du minaret Kalon construit en 1127 et d’où on jetait les condamnés à mort.
Manger les chachliks (brochettes grillées de bœuf, mouton ou poulet) accompagnés d’une vodka au bord du "bassin de la contrainte" avec ses jets d’eau est incontournable. Il faut compter au moins deux jours entiers à Boukhara.