Quel avenir pour les stations de ski ? Notre reportage à Verbier, dans le Val de Bagnes (photos)
Verbier offre 410 km de pistes de ski. Les villages alentour, pépites aux charmes divers, peuvent aussi servir de camp de base pour s’immerger dans le domaine des 4 Vallées.
Publié le 22-02-2023 à 09h00
À la fois sportive et branchée, composée de grands chalets en bois, la station de Verbier, dans le Val de Bagnes, offre le plus grand domaine skiable de Suisse (les 4 Vallées) avec 410 km de pistes, 80 remontées mécaniques et un point culminant à 3 330 m d’altitude (le Mont-Fort). En outre, pour la deuxième année consécutive, Verbier a été sacrée meilleure destination de ski au monde lors des World Ski Awards. Il est aussi possible d’y profiter d’une longue et inoubliable descente à ski dans un décor de hautes montagnes après une dépose en hélicoptère sur le Petit Combin (3 663 m) ou Rosablanche (3 336 m). Les amateurs de poudreuses pourront également se lancer dans un des onze itinéraires freeride balisés et sécurisés. Des atouts qui permettent à cette destination de rivaliser avec les plus grands domaines des Alpes françaises. Un bémol toutefois à cette attractivité: les prix ! Nous sommes en Suisse et un séjour y est forcément plus onéreux qu’en France ou en Italie. Pour l’anecdote, le prince Andrew, fils d’Élisabeth II, en délicatesse avec la justice, vient d’y vendre son chalet de ski pour la modique somme de 22 millions€ !
Mais les 4 Vallées, ce n’est pas que Verbier, la cosmopolite. Il est toujours possible de s’en écarter pour s’égarer dans les villages aux charmes divers et les secteurs raccordés au domaine. D’abord Bruson, village de montagne typique avec ses petits chalets et ses granges patinées par le temps où règnent le calme et l’authenticité. Ce secteur propose 26 km de pistes moins fréquentées et des forêts clairsemées où pratiquer le freeride ou la randonnée à ski. Raison de plus pour en profiter: Bruson vient d’être équipé de télésiège dernier cri et est relié à Verbier par télécabines.
Dans le fond de la vallée, Le Châble occupe une situation centrale. La localité, havre de paix seulement perturbé par le son de la rivière la Dranse de Bagnes qui la traverse, constitue le terminus du train régional en provenance de Martigny. Dès la descente du convoi ferroviaire, les 410 km de pistes sont facilement à portée de spatules, en empruntant directement les télécabines vers Verbier ou Bruson.
De caractère plus familial, le village de La Tzoumaz domine la plaine du Rhône. Situé à 2 200 m d’altitude, avec ses deux versants exposés au nord et au sud, il bénéficie d’un enneigement optimal et d’une fantastique vue sur les sommets voisins. L’endroit est idéal pour se poser et profiter de la montagne: "tzoumer", en patois valaisan, signifie le lieu où on se repose.
Un peu lassé du ski ? Bâti autour de son clocher cinq fois centenaire, Vollèges peut notamment servir de point de départ pour une balade en raquettes sur les hauteurs de Vens, Cries, Le Levron ou encore Etiez où de jolis itinéraires cheminent entre les différents cols.
Quant aux amateurs de nature, ils privilégieront particulièrement les villages pittoresques du Haut Val de Bagnes avec leurs noms aux sonorités chantantes: Lourtier, Fionnay, Bonatchiesse… Autant d’endroits pour oublier le temps et s’abandonner aux beautés de la montagne
Les 4 Vallées ont confiance en l’avenir
À l’heure où des stations de basse et moyenne altitudes souffrent du manque de neige, Verbier continue d’investir dans des installations coûteuses. Paradoxal ? Pas du tout, pour Laurent Vaucher, le directeur général de Téléverbier, qui voit l’avenir avec sérénité.

Dans les Alpes, ces dernières années, plusieurs petites stations familiales ont décidé de démonter leurs remonte-pentes, en tout ou en partie. D’autres souffrent régulièrement d’un enneigement limité. Le constat est là: le changement climatique bouleverse déjà l’économie du ski.
Mais à Verbier, la tendance n’est pas exactement la même. L’heure est au contraire aux investissements. "En 2021, durant la période Covid, nous avons investi 40 millions de francs suisses (40,6 millions€) pour une nouvelle télécabine de 10 places et des canons à neige, souligne Laurent Vaucher, le directeur général de Téléverbier, la société en charge des installations sur le domaine des 4 Vallées. En 2022, 13 millions de plus ont permis de remplacer un ancien télésiège, de construire un nouveau restaurant d’altitude sur le secteur de Bruson et de créer une plate-forme panoramique au Mont-Fort. D’autres infrastructures vont suivre."
Chaque année, Téléverbier injecte également 10 millions de CHF dans l’entretien des bâtiments, l’enneigement artificiel et les techniques de damage. Des investissements paradoxaux dans le contexte du réchauffement climatique ? "Nous avons beaucoup réfléchi à la question, répond le directeur général. Et nous avons estimé que le jeu en valait la chandelle. Près de 80% du domaine sont au-dessus de 2 000 m et peu de secteurs sont orientés au sud. Nous sommes peut-être moins bronzés, mais la neige tient mieux (rires). Ensuite, 70% de nos pistes peuvent être enneigées artificiellement. Avec ces atouts, nous avons du temps devant nous."

Pour assurer sa pérennité économique, Téléverbier a aussi pris soin de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. En plus des remontées mécaniques, la société gère 16 restaurants, une école de ski, le Zipliner (voir ci-contre), une via ferrata et d’autres activités. Faut-il encore agrandir le domaine ? Enfant du pays et skieur professionnel, Justin Murisier (quatre fois champion de Suisse, participation aux JO de Pékin en 2022) n’est pas de cet avis. "La station est déjà très complète et propose tous les styles de ski: alpin, freeride, randonnée, insiste ce skieur de haut niveau qui apprécie servir de"carte de visite"pour Verbier et les 4 Vallées. De mon point de vue, la priorité doit être donnée à la modernisation des installations pour optimaliser le domaine existant."
Pour limiter l’impact du tourisme et des sports d’hiver sur l’environnement, la station a pris plusieurs mesures: utilisation d’énergie renouvelable, chauffage par pellets à la place du mazout (ce qui a permis de diminuer de 90% le rejet de CO2 par les bâtiments), adaptation automatique de la vitesse des remontées mécaniques. Cette dernière mesure a débouché sur une baisse de la consommation d’électricité de 15% par skieur. L’accent a également été mis sur la mobilité douce avec un réseau de navettes en bus à travers Verbier et, depuis peu, l’utilisation des télécabines reliant Le Châble à Verbier comme transport public de 5 h 15 du matin jusqu’à 23 h 50 tous les jours. Et cerise sur le gâteau: en saison, durant les week-ends et certains jours fériés, les touristes peuvent rejoindre le domaine en train avec le Verbier-Express directement depuis Genève.