Quelle contraception pour les hommes: la vasectomie n’est plus taboue mais tendance (quiz et témoignages)
Si les méthodes contraceptives féminines sont nombreuses, du côté des hommes le choix est bien plus restreint. Pourtant la demande est de plus en plus importante, aussi de la part des femmes qui déplorent subir les effets secondaires de leur moyen de contraception. Autrefois tabou, la vasectomie est aujourd’hui très pratiquée en Belgique.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/0461a530-7e64-460f-b4b8-4f2312aca324.png)
- Publié le 11-02-2023 à 07h00
Pilule, anneau, implant, stérilet, patch… Aujourd’hui, la contraception reste toujours principalement une affaire de femmes. Pour les hommes, deux solutions officielles s’ouvrent à eux: la vasectomie (qu’il faut considérer comme définitive) et le… préservatif. Pourtant, les hommes sont fertiles 24h/7, contrairement aux femmes qui ne le sont que quelques jours par mois. Face aux effets secondaires de certains moyens de contraception féminins, pas étonnant que de plus en plus d’hommes décident de partager la charge de la contraception, parfois poussés par leur compagne. Mais comment ? Et vers qui se tourner pour avoir les informations ? Aujourd’hui, en Belgique, peu de consultations sont dévolues à la santé sexuelle et à la contraception des hommes, déplore Daniel Murillo, spécialiste de la question, au CHU Saint-Pierre de Bruxelles. Chaque mois, il ouvre d’ailleurs un jour de consultation dédié à la contraception masculine. La liste d’attente est de six mois. Normal: la demande est là, mais l’offre ne suit pas encore. "Ça se développe petit à petit, des formations sont en train d’être organisées à cet effet", explique l’expert qui a été invité à en animer plusieurs.
Et la pilule masculine ?
Pourtant, tout le monde a déjà entendu parler de la pilule masculine. Alors, pourquoi n’en trouve-t-on toujours pas en pharmacie ?
"Depuis que j’ai commencé, on en parle tous les ans en disant que c’est pour demain, mais ça n’arrive jamais." Elle n’en est qu’à l’état de projet. Plusieurs freins empêchent sa commercialisation, dit-il. "Ceux-ci sont essentiellement institutionnels et les firmes pharmaceutiques ne sont pas intéressées de commercialiser une pilule pour un tel marché de niche. Et puis, ils ont investi énormément d’argent pour la mise au point des pilules féminines, qu’ils veulent d’abord rentabiliser."
Des études montrent déjà leur efficacité ; en termes d’effets secondaires ceux-ci sont du même ordre que chez les femmes, note-t-il. Quant au slip "Remonte-Couille Toumousain", qui consiste à faire passer le pénis et le scrotum à travers un anneau sur l’avant du slip, il remonte aux années 90. "Des recherches ont été réalisées sur une petite série d’hommes avec des résultats positifs – mais ça s’est arrêté là. Il n’y a pas assez d’études pour pouvoir donner à cette contraception l’efficacité demandée par l’Inami. Et même si cette contraception reste expérimentale, elle a été popularisée par des réseaux d’hommes militants. Des tutos existent sur internet pour les fabriquer. Quant à l’anneau thermique en silicone, celui-ci a été retiré de la vente fin 2021 car il ne souscrivait pas à la législation en vigueur, explique-t-il. Tout dernièrement, une grande étude française, réalisée sur 970 hommes pendant six mois, montre qu’il n’y a pas eu de grossesse non prévue – endéans les trois mois d’attente minimum pour qu’il soit efficace. Mais cet anneau doit être porté 15 h par jour, 7j/7." Parmi les autres pistes en cours, on retrouve aussi le Vasalgel (une technique de vasectomie réversible où on injecte du gel dans les fameux canaux). "Mais les études ne commencent que seulement. Il ne sera pas sur le marché avant 5 ou 10 ans. " Quant à la méthode du retrait, elle est simple mais pas vraiment efficace. "Le pourcentage d’échec monte à 25%, celui de la pilule est inférieur à un pourcent."
Reste que ce sujet est aussi très touchy et qu’il est nécessaire de faire attention aux dérives, souligne notre spécialiste. "Si la contraception est féminine, c’est la femme qui gère le contrôle de sa propre contraception. Si celle-ci est masculine, en cas d’échec, c’est la femme qui portera la gestion d’une grossesse non désirée." Pas étonnant que de nombreuses femmes ne soient pas prêtes à l’idée de laisser la contraception à leurs partenaires. ll le déconseille d’ailleurs dans certains milieux et situations familiales compliquées. La liberté de disposer de son corps ne devant jamais être remis en question.
Témoignages
Thomas, 27 ans: "Mon premier rendez-vous chez le psy ? Un enfer"

Marié depuis l’an dernier, Thomas est en couple avec son épouse depuis 12 ans. La vasectomie, ça fait longtemps qu’ils y pensent. "On y a bien réfléchi: on ne veut pas d’enfant, tant pour des raisons idéologiques qu’écologiques. C’est une conviction. On veut éviter les contraceptifs féminins actuels dont l’impact sur la santé n’est pas terrible, explique d’emblée le Liégeois . On sait que la vasectomie est réversible à 50% mais qu’il faut considérer que ça ne l’est pas." Avant même de prendre son premier rendez-vous, il sait que sa décision sera remise en question, mais il ne s’attendait pas à devoir autant se justifier, dit-il. Son expérience (qui n’est heureusement pas la norme) a été brutale et clairement problématique.
Le premier rendez-vous avec l’urologue se passe bien. "Il m’a expliqué que légalement rien n’encadrait la vasectomie et que c’était donc purement à la discrétion du médecin de décider si oui ou non il pratiquait la vasectomie: certains de ses collègues refuseraient les profils de moins de 40 ans sans enfant – cela pose déjà problème, à mon sens. Dans mon cas, il désirait un premier rendez-vous avec un psychologue pour évaluer si ma décision était bien fondée, prise sain d’esprit et sans contrainte. J’accepte. Je quitte la consultation plutôt soulagé et confiant en la suite." À tort ; le second rendez-vous, celui avec le psy, se relève être "un enfer" .
"Vous allez vous séparer ; vous feriez un bon père"
"Directement, la psychologue me demande pourquoi ma compagne n’est pas là – alors qu’on ne me l’avait pas précisé. Pratiquement toute la séance a été orientée sur le couple, la manière dont on le vivait." L’attitude de la professionnelle est alors directement jugeante et condescendante. "Relativement tôt dans le rendez-vous, elle me demande si nous n’avons pas considéré la pose de clips sur mon épouse, me la présentant comme une opération très facile – alors que non. Je viens pour être stérilisé et on renvoie le problème sur mon épouse." Thomas fait "l’erreur semble-t-il" d’utiliser le terme "fusionnel" pour définir leur relation. "Elle m’a alors expliqué pendant trente minutes qu’on allait se séparer dans quelques années, qu’elle en était certaine, que la vasectomie était une grosse erreur et que quand je m’en rendrais enfin compte ça allait être violent. Quand une professionnelle de la santé te lâche ça, c’est brutal et ça pose clairement question.
Elle avait une vision très binaire homme-femme. En cas de séparation: “Que ferais-je si je venais à rencontrer une femme qui veut des enfants ?” Mais faire un enfant pour faire plaisir à quelqu’un, quand on n’en veut pas, est une très mauvaise idée. Elle m’a alors répondu que selon elle je ferais un très bon père…"
"Pour elle, je suis trop jeune pour savoir ce que je veux. Je dois donc me laisser des options." Il lui parle alors de l’option d’adoption (qui entre d’avantage dans ses valeurs), qu’elle rejette sur base de sa propre expérience ( "Vous ne vous rendez pas compte de ce que c’est d’adopter") ; quant à la ponction des spermatozoïdes, le pourcentage de réussite de l’opération est trop faible, répond-elle . "Finalement, elle me dit que je suis quelqu’un de droit dans mes bottes, que j’ai bien réfléchi à la question, mais que je dois me laisser des options avec la congélation de spermatozoïdes. Elle me demande de prendre rendez-vous avec un spécialiste pour discuter des techniques de fécondation alternatives et l’appelle directement. Sketch: j’entends à l’autre bout du fil le médecin la couper et lui répondre"non, il est trop jeune", mais qu’elle peut m’envoyer le rencontrer directement." Après s’être "senti jugé" pendant toute une consultation, il se trouve alors face à un médecin bien décidé à le "décourager", juge-t-il.
Aujourd’hui en pleine réflexion, il réalise qu’il devra sans aucun doute plier et faire congeler des spermatozoïdes pour prétendre à cette opération désirée. Un petit prix à payer, espère-t-il. "Si le coût est raisonnable, je le ferai sans hésiter pour la tranquillité d’esprit du médecin, davantage que la mienne."