Notre reportage en Espagne, au cœur des volcans de La Garrotxa
Entre les Pyrénées et la Costa Brava, des éruptions volcaniques millénaires ont fait surgir un paysage étonnant et fertile, propice au très actuel écotourisme.
Publié le 11-01-2023 à 07h00
Non loin des criques idylliques de la Costa brava et de l’agitation festive de Barcelone, la région de La Garrotxa abrite un étonnant parc naturel constitué de plus de 40 cônes volcaniques et de coulées de laves basaltiques, le tout façonné au fil du temps par l’union de l’Homme et de la Nature. La dernière éruption date d’il y a plus de 11 500 ans, les précédentes sont bien plus anciennes ; toutes ont façonné le paysage et enrichissent le sol de cette zone coincée entre les courants maritimes et montagnards qui l’arrosent régulièrement et ont vu pousser une végétation souvent exubérante. D’immenses forêts de chênes et de hêtres garnissent aujourd’hui les flancs des volcans endormis, à l’ombre desquels prolifèrent une faune et une flore exceptionnelles. Protégé par divers chartes et labels, le territoire vit à l’écart du tourisme de masse, tout en restant accueillant pour qui sait aller à sa rencontre dans le respect de sa particularité. De nombreux sentiers de randonnées sillonnent les flancs des cratères ou les plaines fertiles qui s’étalent à leurs pieds. L’un des plus étonnant est le volcan Croscat, qui culmine à plus de 700 mètres et dont un flanc a été exploité pour sa pierre de basalte jusqu’en 1980, avant d’être déclaré zone naturelle protégée à l’initiative des habitants de la région. Sur sa coulée de lave au relief accidenté est née une hêtraie exceptionnelle, où la lumière perçant le toit de feuilles offre un tapis multicolore aux promeneurs.
Pour mieux comprendre les volcans, l’idéal est de partir de la ville d’Olot, chef-lieu de la région, construite à l’ère médiévale autour d’un autre volcan, le Montsacopa. Sur son flanc où l’on peut ensuite cheminer, la ville a totalement remodelé l’ancien musée des volcans pour en faire un centre interactif, ludique et didactique à la fois, où l’on s’immerge dans l’histoire et l’environnement des volcans de la Garrotxa. Le bâtiment en lui-même, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, épouse les formes d’un ancien cratère, le Puig del Roser. Après cela, petits et grands n’auront qu’une hâte, emprunter les sentiers qui sillonnent la région et se plonger dans la réalité non virtuelle de l’ensemble volcanique de la Garrotxa.
Des villages perchés et médiévaux
Entre les volcans se nichent quelques villages médiévaux préservés, dont celui particulièrement spectaculaire de Castellfollit de la Roca, construit à 50 mètres de haut sur une falaise de basalte.

On l’aperçoit de loin, en passant sur le pont autoroutier en provenance de Gérone. Castellfollit de la Roca résume en son nom toute la singularité de sa situation et de sa construction: un château fou sur la roche ! La falaise basaltique qui constitue son socle est née au fil des millénaires de l’action érosive de la rivière Fluvia, et de son affluent Tornell, au milieu desquels se sont superposées deux coulées de lave produite par des éruptions survenues à près de 200 000 ans d’intervalle. Ces actions conjuguées ont produit de remarquables colonnes basaltiques qui donnent au site l’apparence d’une forteresse naturelle.
Sur une superficie de moins d’un kilomètre carré, la plus petite municipalité de Catalogne est sans doute celle d’où on observe les vues les plus spectaculaires, vers les sommets pyrénéens et la frontière avec la France d’une part, vers la forêt méditerranéenne qui plonge vers la mer d’autre part. Le village en soi mérite qu’on déambule dans ses ruelles recouvertes de dalles et de mobilier urbain, le tout en basalte, et bordées de maisons érigées, elles aussi, en matériaux volcaniques, tout au bord de la haute falaise. Tout au bout du village, la place de l’église offre une vue panoramique de la vallée qui s’étale plus de 50 mètres plus bas. De là, on peut suivre un petit sentier entre des jardins escarpés pour rejoindre une ancienne voie romaine où l’on mesure l’ingéniosité conjuguée de la nature et de l’humain.
Santa Pau au cœur du parc naturel
Perché lui aussi en hauteur, même si c’est moins spectaculaire, le petit village de Santa Pau est notre autre coup de cœur dans la Garrotxa.
Situé au cœur du Parc naturel de la zone volcanique de la Garrotxa, c’est sur son son territoire que cohabitent, le volcan de Santa Margarida, celui du Croscat ou la Fageda d’en Jordà, une hêtraie protégée exceptionnelle où la population aime aller se promener en toute saison. Le village médiéval de Santa Pau est dominé par un château dont la fondation par une baronnie locale remonte au XIIIe siècle. À l’inverse de nombre de villages de ce type, ce n’est que deux siècles plus tard qu’en bordure du promontoire une église a été érigée.
Tout autour, les constructions se sont adossées pour former un ensemble harmonieux en pierres volcaniques. On s’amuse à en repérer l’origine en décryptant les linteaux de pierre au-dessus des portes d’entrée: l’architecte ou le propriétaire y faisait graver la date et son nom.
Sa place centrale est bordée d’un ensemble d’arcades parmi les mieux conservés de Catalogne. Elles n’abritent plus les ventes de bœufs et le marché, mais plusieurs tables d’hôtes ou restaurants qui ont à cœur de faire découvrir aux visiteurs les spécialités catalanes, et plus particulièrement celles provenant de la vallée volcanique comme les "fesols de Santa Pau", sorte de haricots à la fine saveur qui occupent une place de choix dans la cuisine de terroir locale.
La visite de Santa Pau peut se poursuivre jusqu’au Portal del Mar, un belvédère qui offre une vaste perspective sur les vallées des alentours où pointent, entre volcans et plaines agricoles, de ravissantes petites églises romanes. De quoi donner l’envie de reprendre la route pour découvrir nombre d’autres villages de cette surprenante Garrotxa volcanique.
Parcours moderniste

Au pied du volcan éteint du Montsacopa, la ville d’Olot se découvre facilement à pied. Outre son centre d’interprétation des phénomènes volcaniques, elle recèle un intéressant patrimoine de style moderniste ou Art Nouveau. Ce mouvement culturel a pris naissance à la fin du 19 siècle et se caractérise par l’imagination débordante d’architectes, dont le plus célèbre est Antonio Gaudi. Depuis l'an 2000, la ville fait partie de la Route européenne du modernisme. Y faire halte, c’est découvrir les façades ouvragées, les balcons en fer forgé aux motifs végétaux, les fresques en faïence des "Casa" (maison) qui portent le nom de leurs constructeurs : Gassiot, Sola Morales, Puijador ou Gaieta. Un plaisir des yeux que l’on peut parfois voir de l’intérieur puisque certaines abritent des commerces.
Rural et volcanique, en gîte comme dans l’assiette

Le marché couvert d’Olot est le point de départ d’une belle randonnée gastronomique. Arrêtez-vous devant l’étal de Jordi Vilarrasa qui vous fait découvrir les viandes, saucissons et jambons en provenance directe de sa ferme. Tenté d’en savoir plus ? Ce président de l’association des producteurs de la Garrotxa a quelques bonnes adresses d’exploitations qui accueillent volontiers les touristes pour leur faire découvrir la qualité de leurs produits, viandeux, fromagers ou maraîchers. Car la plaine fertilisée par les poussières volcaniques d’antan a permis de développer une agriculture largement biologique, aujourd’hui servie dans l’assiette sous le label de "cuisine volcanique." Pour y passer plus qu’une journée, la région est bien pourvue en gîtes, appelés "casa rurale", dont plusieurs ont ajouté de nouveaux services à l’hébergement. Ainsi, à Oix, à une vingtaine de minutes au nord d’Olot, le Mas Pineda offre un dépaysement total, où l’hôte des lieux, Livia, vous invite à expérimenter le pouvoir apaisant des arbres au cours d’une lente promenade matinale, au rythme de la nature qui s’éveille. Dans cette ancienne ferme du 13 siècle à la décoration enrichie de mille détails du passé, tout, de la consommation d’eau ou d’électricité à la nourriture qui garnit la table, a été pensé pour limiter l’impact environnemental. Livia est l’une des nombreux ambassadeurs de l’écotourisme local que compte la région.