Resto : le Château de Strainchamps tire sa révérence après 26 ans et nous partage 3 recettes de fêtes
Dernier service le 18 décembre pour cette table qui savait être inventive sans être désarçonnante et qui visait tellement juste en période de chasse. " Et on ferme avec l’étoile ", dit fièrement la patronne.
Publié le 11-12-2022 à 18h00
Après 42 ans de métier dont 26 au sommet, Frans Vandeputte et Paulette Lalande rendent leurs tabliers. Leur Château de Strainchamps détenait le macaron Michelin sans interruption depuis 1996. Il affichait un 15/20 sur le bulletin décerné par Gault&Millau. Ils partent avec la satisfaction du devoir accompli, c’est-à-dire le plaisir du client.
Frans Vandeputte, artisan discret, a toujours su jouer de son art et de sa technique parfaite pour servir la gourmandise. Sans singerie ni suivisme, il mettait au goût du jour avec talent une cuisine ancrée sur des bases classiques. Paulette Lalande, une patronne ayant l’œil à tout, vantait avec verve la cuisine de son mari. Elle tenait la maison avec autant de générosité que de rigueur.
Il a grandi à Roulers et a fait l’école hôtelière de La Panne. Elle est originaire de Honville, près de Bastogne, et a fait l’école hôtelière de Bouillon. En 1981, c’est à mi-chemin que le Westflandrien et l’Ardennaise se rencontrent, dans la brigade de Michel Haquin, d’abord à Bruxelles, puis à Genval. En 1989, elle installe son homme au pays en lui faisant traverser toute la Belgique. Dans le village de Strainchamps, ils investissent une gentilhommière du XIXe siècle qui avait été le siège d’une dynastie de notaires et que les gens du lieu voyaient comme un château puisqu’elle était flanquée d’une tourelle.
Un Fransburger de biche
Premier service en mai 1990. À partir de là, Frans Vandeputte trace sa route gastronomique qui le conduit, dès 1996, jusqu’au macaron Michelin dont il est donc toujours titulaire. Il servait la langoustine et le homard tout l’été. Chacun de ses plats avait sa signature de sauce. Il préparait un gâteau d’huîtres et d’écailles de saint-jacques sur un velouté d’écrevisses. La saint-jacques, il osait la marier au chevreuil. L’endroit était parfait pour sacrifier au rite du repas de chasse, dans cette maison où l’automne a toujours eu bon goût. Le chef mettait le colvert en croquettes. À la poivrade de la venaison, il ajoutait un peu de sucre et des câpres au vinaigre pour créer un aigre-doux. Il accompagnait le lièvre et sa saveur plus musclée de chou rouge mouillé au vin et relevé d’un trait de vinaigre de cidre. Sacrifiant pour une fois à la mode, il avait joué de son prénom pour créer un Fransburger de biche. On venait de loin pour déguster le perdreau sauvage. Pour que le plaisir soit complet, le fidèle sommelier Thierry Collard – 17 ans de maison – veillait sur une cave où les plus belles bouteilles vieillissaient bien.
Un vieux rhum ou un whisky rare
En sortant de table, on terminait la soirée au coin du feu de bois, devant un vieux rhum, un whisky rare ou un armagnac millésimé. En d’autres temps, on y fumait un cigare. On pouvait même reprendre un armagnac puisqu’on avait une chambre à cette adresse qui était aussi un hôtel de charme.
Le Château de Strainchamps fut une table de bonne convenance. Il y régnait une atmosphère apaisante, entre le marbre des cheminées bourgeoises et le velours des fauteuils. Le client y était bien, au calme et à l’attention.
C’est le dimanche 18 décembre que Paulette Lalande et Thierry Collard serviront les dernières assiettes de Frans Vandeputte. "On ferme avec l’étoile, dit fièrement la patronne. Avec un pincement au cœur, certes, mais le moment est venu de profiter un peu de la vie, de passer du temps avec les petits-enfants."
Et demain ? Peut-être quelques chambres d’hôtes. Chef à domicile à l’occasion ? Des cours de cuisine avec des anciens élèves qui en redemandent ? "Mais plus jamais des journées de 15 heures comme c’est devenu la règle dans l’horeca depuis qu’on ne trouve plus de personnel !", prévient Paulette Lalande.
3 recettes pour cuisiner comme un chef!
Pour réussir son menu de réveillon, voici trois recettes inspirées de la cuisine de Frans Vandeputte, le chef étoilé du Château de Strainchamps.
Ces trois recettes ont été simplifiées pour pouvoir être réalisées à la maison, là où on ne dispose pas toujours de matériel professionnel, là où on n’aura pas nécessairement l’art et le geste d’un grand cuisinier. Elles sont calculées pour quatre personnes.
1. En entrée: un morceau de bar ou même de cabillaud, avec un beurre blanc et un chicon dont la cuisson s’achèvera dans un caramel d’orange. Le poisson s’accommode parfaitement de l’amertume du chicon et de l’acidité du jus de fruit.
2. Le plat:du canard parfumé au whisky. Le chef choisit évidemment le canard sauvage qu’il cuit au four. On peut plus simplement travailler des magrets. La sauce demi-glace est un fond brun très réduit, qui tire sa texture gélatineuse de la moelle des os. Elle s’achète toute faite. Le chef torréfie le poivre au four. On peut le faire dans une poêle.
3. Au dessert: un chaud et froid de sabayon aux fruits de la passion. Il nécessite le recours à un siphon. Mais qui pourrait se passer aujourd’hui de cette bouteille en inox dans la tête de laquelle se vissent des cartouches de gaz ?
Il n’y a plus qu’à dresser la liste des courses, puis à nouer le tablier à la taille et à passer au fourneau. En sachant qu’on ne pourra jamais égaler le chef Vandeputte mais qu’on pourra au moins dire à ses invités: "C’est moi qui l’ai fait…"
1.Entrée - Filet de bar et chicons à l’orange
Ingrédients: 280 g de filet de bar, 4 chicons, 2 dl de jus d’orange, 2dl de vin blanc, 250 g de beurre, 1 échalote, un petit sachet d’encre de seiche, vinaigre de Xérès, sucre fin, sel et poivre.

1. Dans une sauteuse beurrée, disposez 4 endives assaisonnées de sel et de poivre, ajoutez un train de jus d’orange et laissez cuire sans colorer. Ensuite, colorez les endives après les avoir égouttées.
2. Préparez un caramel à l’orange. Faites fondre une noisette de beurre dans un poêlon, incorporez 1 cuillère à soupe de sucre et laissez caraméliser. Arrêtez la cuisson du caramel en y versant 2 dl de jus d’orange. Versez sur les chicons et continuez la cuisson jusqu’à ce qu’ils soient bien imprégnés du caramel.
3. Salez et poivrez 4 morceaux de bar d’environ 70 g. Faites-les cuire meunière dans une poêle antiadhésive, dans un filet d’huile d’olives.
4. Préparez un beurre blanc. Faites suer une échalote ciselée dans 2 dl de vin blanc, avec un filet de vinaigre de Xérès, thym et laurier. Laissez cuire à petits bouillons pour réduire de deux tiers. Incorporez progressivement 250 g de beurre bien froid, en noisettes, tout en fouettant énergiquement jusqu’à obtenir un beurre bien homogène. Rectifiez l’assaisonnement et passez au chinois fin.
5. Un petit plus, tout à fait facultatif: ajoutez à la moitié du beurre blanc un petit sachet d’encre de seiche, qui est neutre en goût et qu’on trouvera chez le poissonnier.
6. Dressage: sur une assiette légèrement préchauffée, dressez les deux sauces (celle à l’encre de seiche et le beurre blanc nature), ajoutez les chicons à l’orange et terminez avec le bar.
2.Plat - Canard parfumé au whisky
Ingrédients: 3 magrets, 100 g de jeunes pousses d’épinard, un fond demi-glace, pommes de terre ou frites, 1 poire, 1 orange, 1 mangue, quelques raisins, whisky, poivre noir en grains, beurre, sel.

1. Cuisez les trois magrets en les gardant bien rosés. Laissez reposer au chaud. Détaillez en aiguillettes juste avant le dressage.
2. Écrasez des grains de poivre noir et faites-les torréfier au four pendant 8 minutes à 140 degrés. Flambez-les ensuite au whisky. Choisissez un single malt bien tourbé. Le chef recommande un Laphroaig, distillé sur l’île d’Islay, qui apportera son arôme puissant de fumée, de tourbe et d’algues.
3. Chauffez la sauce demi-glace (ou réduisez de moitié un fond de veau). Ajoutez le poivre torréfié et flambé par petites quantités jusqu’à obtenir le goût souhaité. Montez au beurre. Salez si nécessaire.
4. Chauffez légèrement, en évitant de compoter, 8 bonnes cuillères à soupe d’une petite macédoine de fruits frais: poire, orange, raisin, mangue.
5. Blanchissez 100 g de jeunes pousses d’épinards puis passez-les au beurre avec sel et poivre.
6. Préparez quelques rates rissolées ou même quelques frites croustillantes pas trop salées.
7. Sur des assiettes chauffées, créez un petit lit d’épinards pour y poser les aiguillettes de canard. Par-dessus: la macédoine de fruits. Nappez avec la sauce au whisky. Complétez avec un ravier de frites ou de pommes de terre.
3.Dessert - Chaud et froid de sabayon
Ingrédients: 2 feuilles de gélatine, 4 dl de jus de fruits de la passion, 2 dl de crème, 2 dl de vin blanc sec, 4 œufs, 500 g de mirabelles surgelées, 100 g de chocolat, pectine, sucre fin, 2 charges N20 pour siphon.

1. Préparez un sabayon froid. Faites fondre deux feuilles de gélatine ramollies dans 1,5 dl d’eau. Ajoutez 1 dl de jus de fruits de la passion. Tout en mélangeant, incorporez 0,5 dl de blancs d’œufs légèrement battus, 50 g de sucre et 2 dl de crème. Passez le tout au chinois fin. Versez dans un siphon (mettez sous pression avec deux charges N2O). Agitez bien et réservez au froid pendant au moins deux heures.
2. Préparez une compote de mirabelles en chauffant 2 dl de jus de fruits de la passion avec 100 g de sucre et 4 g de pectine. Portez à ébullition tout en fouettant. Ajoutez 500 g de mirabelles dénoyautées. Portez à ébullition et cuisez doucement pendant 5 minutes. Laissez refroidir.
3. Faites fondre du chocolat et étalez-le sur une plaque. Laissez cristalliser. À l’aide d’un emporte-pièce, prélevez quatre disques de la même dimension que les verres à whisky qui serviront au dressage.
4. Préparez un sabayon chaud. Mélangez 1,5 verre de vin blanc sec et un demi-verre de jus de fruits de la passion. Dans une sauteuse, mélangez 4 jaunes d’œufs avec 120 g du mélange jus-vin et 45 g de sucre. Montez d’abord le sabayon à feu doux pour le volume. Augmentez ensuite légèrement la chaleur pour le terminer.
5. Dressez dans des verres à whisky: une couche de compotée de mirabelles, une quenelle de glace vanille, une couche de sabayon chaud, un disque de chocolat. Terminer au siphon avec l’espuma de sabayon froid.