Assiettes intelligentes et connectées dans les maisons de repos
La dénutrition est un problème majeur dans les maisons de repos. Un chercheur de la Faculté agronomique de Gembloux a bourré d’électronique les assiettes de résidents pour analyser de manière très objective leur comportement alimentaire.
- Publié le 24-11-2022 à 12h38
- Mis à jour le 24-11-2022 à 12h39
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Voilà plus d’un an que le Namurois Charles Boreux (29 ans), qui travaille au labo de recherche de la Faculté des sciences agronomiques de Gembloux, développe ses assiettes connectées. Et son projet voit aujourd’hui le jour. Des plateaux munis de différents capteurs qui analysent toutes les activités générées dans l’assiette par la personne durant son repas sont en test grandeur nature. Commence-t-elle par les légumes ? Éprouve-t-elle des difficultés à couper sa viande ? A-t-elle pris suffisamment de protéines ? Etc.
"La particularité ici, c’est de mesurer l’activité du repas à partir du poids de l’assiette. Quand on dépose son couvert, qu’on ramasse sa cuillère, quand on mange de petites ou de grosses bouchées, tout est enregistré. Au fur et à mesure, le poids de l’assiette diminue, chacun à son rythme", explique le jeune chercheur qui croise alors toutes ces données dans des algorithmes pour les analyser et en tirer des informations inédites. "Jusqu’à présent, le personnel des maisons de repos faisait remplir des questionnaires aux résidents à propos des repas. Ou prenait une photo de l’assiette avant puis après. Mais c’est souvent trop tard en matière de dénutrition. Ici, tout est objectivable et réalisé tout au long de l’année, en direct, pour tous les résidents: combien de personnes ont mangé, ont mangé quoi, en combien de temps, en combien de bouchées, avec quelle quantité d’énergie, etc."
Ces algorithmes permettent ensuite de travailler très concrètement sur la dénutrition qui concerne 60 % des résidents des maisons de repos.
Un coût pour la société
Le phénomène de dénutrition représente un coût important pour la société et pour les entreprises qui gèrent ces maisons de repos, car ces résidents répondent alors moins bien aux soins apportés. "Quand ils mangent moins et moins bien, ils entrent dans la spirale de la dénutrition: fatigue, chute, perte musculaire, traitements moins efficaces, escarres, mauvaise cicatrisation… Et puis la mort."
Avec les assiettes connectées, le responsable de la maison de repos peut suivre, au fil des repas, chacun des résidents afin d’être alerté dès qu’il entre dans cette infernale spirale.
"Car nous avons remarqué, en faisant manger le même repas à la même personne à plusieurs reprises, que chacun mange exactement de la même manière. Chacun a son protocole. Donc, dès qu’on observe un changement, on peut s’en inquiéter."
Des infos intéressantes tant pour le nutritionniste de l’institution que pour le kiné par exemple, qui peut être alerté d’une diminution de la motricité fine d’un patient, quand il prend plus de temps et donc qu’il éprouve des difficultés à utiliser ses couverts.
Mieux gérer les repas
Ces plateaux connectés sont évidemment un outil de gestion appréciable. On voit évidemment directement ce qui a été mangé ou pas, les repas qui plaisent ou non. Et donc supprimer de la carte ces repas qui ne sont pas adaptés à certains résidents car réclamant trop d’énergie. On peut évidemment aussi adapter les quantités à chaque résident, suivant l’analyse de ses données personnelles pour éviter les gaspillages alimentaires.
Souvent soumises à des critiques de la part de familles sur la quantité et la qualité des repas, les institutions ont ainsi une base très objective pour leur répondre aux critiques. "Ces données pourraient faire partie du dossier médical du résident. Chaque famille pourrait même être informée en live de ce que son parent a mangé et comment. Car une perte d’appétit peut conduire rapidement à la dénutrition."
Ces plateaux intelligents sont aussi, pour Charles Boreux, une source inépuisable d’expériences.
"Pourquoi ne pas changer l’ambiance sonore ou la lumière lors des repas pour voir l’impact sur le comportement alimentaire ? Il s’agit d’un outil nouveau qui récolte des données inédites. Il y a un tas d’exploitations possibles. Dans les hôpitaux par exemple. Et pourquoi pas, dans les écoles ou les cantines des entreprises."