Le Groenland, sentinelle du réchauffement climatique
Dérèglement climatique, fonte de l’inlandsis groenlandais, migrations : l’Arctique est un point chaud de la géopolitique mondiale.
Publié le 29-10-2022 à 12h00
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Aussi magnifique soit-elle, rien ne va plus dans la région Arctique. Pour la première fois, en 2020, signe d’un réchauffement chaque année plus prégnant, la pluie est tombée sur la calotte glaciaire. Or, depuis toujours, seule la neige nappe le Groenland. Ce dérèglement climatique va causer un gros problème aux glaciers et, partant, à la population Inuit et, in fine, à la planète entière.
Pure coïncidence: alors que les passagers remontent à bord conquis par cet assaut de paysages préservés de l’Homme, une information, tirée d’une étude, percole: "En quarante-trois ans, l’Arctique s’est réchauffé presque quatre fois plus rapidement que le reste du globe".
Le conférencier Michel Chandeigne n’a pas attendu cette énième alarme pour dédier une conférence à cette inquiétante actualité, sur le thème: "Les glaciers du Groenland, sentinelles du réchauffement climatique". "Il y a, dit-il d’emblée, un emballement du réchauffement de l’Arctique et de la fonte de la calotte glaciaire, vestiges de la dernière grande glaciation." (-20 000 ans).
En d’autres termes, le Groenland fond, inexorablement. Ainsi, un satellite dédicacé à la surveillance de la calotte glaciaire a observé, le 12 juillet, un dégel en surface inédit de….97 % de celle-ci, ce qui n’a jamais été observé. Une accélération spectaculaire qui donne des sueurs. Autre conséquence du dégel: tous les glaciers produisent deux fois plus d’icebergs qu’au cours du XXe siècle, qui glissent vers la mer comme sur un toboggan.
Près de 200 milliards de tonnes d’eau douce s’échappent du Groenland par une vingtaine de glaciers disposés sur le pourtour de l’île. "La calotte glaciaire, qui a une épaisseur moyenne de glace plus de 2000 mètres, est devenue un gruyère plein de trous extrêmement dangereux. c’est un phénomène nouveau".
Autre signe du réchauffement: à Ilulissat, de 1850 à nos jours, le front de glace originel du Sermeq Kujalleq a considérablement cédé du terrain. Entre 1900 et 2000, le recul n’a pas dépassé 13 km. Mais, entre 2000 et 2010, ce dernier était de 14 km. Donc, en 10 ans, le retrait du glacier a été supérieur à celui des 100 dernières années.
Même s’il a existé un réchauffement médiéval, de 900 à 1300, "jamais un réchauffement n’a été aussi rapide", commente encore le conférencier. Ainsi, il est arrivé que se décroche du glacier d’Ilulissat une masse de glace deux à trois plus haute que les tours de Manhattan. Une vision terrible.
Un enjeu géopolitique
Autre conséquence de la rétractation de l’étendue et du volume de la banquise, dans la zone Arctique: le dégagement d’une nouvelle route commerciale. Ce qui génère des tensions géopolitiques mondiales, plusieurs pays, dont la Russie et les USA s’en disputant le contrôle.
Pour Michel Chandeigne, ceux qui sont nés après la Seconde Guerre mondiale ont eu une chance inouïe: vivre 70 ans d’insouciance, de liberté, de prospérité. Voyager sur une planète sûre.
"Mais il y a un revers, conclut-il. Le gros problème n’est pas la montée des eaux, les canicules répétitives, mais l’explosion démographique qui, couplée au réchauffement, va rendre des pays d’Afrique et d’Asie invivables, ce qui déchaînera famines, guerres, immigration massive etc. On peut dire, pour la première fois, que nos enfants vivront moins bien que nous".
Le Groenland en quatre points
1.Sorties en zodiac
Les zodiacs ont ceci de pratique qu’ils emmènent les passagers au plus près des icebergs naviguant sans cap, livrés au couteau sculptant des vents et de l’écume. Ces murs blancs aux reflets bleus, qu’on peine à jauger en l’absence de repères, ont un air d’imprenables citadelles. Au plus près des cascades également. Un spectacle grandiose un poil hypnotisant par sa majesté indicible. Le soir, à bord, des blocs de glace fraîchement tronçonnés ont tenu au frais la vodka et le whisky.
2.Les Inuits
Les croisières nordiques n’ont lieu que pendant l’été polaire (juillet et août) parce que c’est la seule période où les glaces sont stabilisées et où les animaux marins consentent à se montrer. À l’image du Groenland, il reste peu de régions sur terre encore vierges se prêtant à une telle exploration. La population, les Inuits, représente 125 000 personnes vivant au-delà du cercle Arctique, dont 63 000 au Groenland. On ne parle plus d’esquimau (mangeur de viande crue), un terme considéré comme péjoratif.
3.Humble capitale
Nuuk, capitale du Groenland. Son fjord perlé d’icebergs et son vieux village aux lumineuses maisons de bois typiques. Nuuk (littéralement "le cap"), est la capitale la plus septentrionale du monde. Habitée par les Vikings dès le Xe siècle, et par les Inuits depuis le XIIIe, elle fut fondée en 1729 par un missionnaire norvégien. Aujourd’hui, elle compte 17 000 habitants. C’est une capitale sans embouteillage qui ne semble pas gangrenée par le stress, et où flottent d’éloquents silences face à la mer…
4.Terre de feu
Avant le Groenland, la croisière a consacré deux jours à la découverte de l’Islande, une île elle aussi colonisée par les Vikings. La première impression du voyageur est que cette terre est lunaire, habillée d’un manteau de roches noires et volcaniques. Elle est instable. Fumante par le feu qui brûle en elle. Intraitable, la nature, sous l’effet de forces telluriques, fait suer l’écorce terrestre, à rendre celle-ci tremblante et riche en sources d’eau chaude. Il en résulte des éruptions de lave et des geysers.