On a testé le resto La Roseraie à Modave, une affaire de famille
Tout est sérénité et raffinement, dans le gîte comme dans le couvert. L’hébergement est aussi luxueux qu’insolite. À la table de Marie, le contemporain n’a pas dénaturé la maison de famille.
Publié le 22-06-2022 à 07h00
Tu verras, avait dit Marie à Simon, c e n’est ni une cabane dans les arbres, ni un chalet, ni une tiny-house qui aurait perdu ses roues, ni rien de ce que tu as déjà vu. Tu verras, avait-elle insisté, c’est 20 mètres carrés de luxe et de grand confort embrassant la nature, à l’orée de la forêt, dans la paix d’un grand parc. " Marie avait dit vrai. Le logement est insolite et la lumière le traverse de part en part: une ossature en bois massif recouverte de planches de verre dépoli et strié. Il a été créé par Maxime Faniel, du Laboratoire Architecture, à Huy. "C’est comme une serre tout en hauteur, dit Simon. On dirait une chapelle, ou même un clocher sans son église".
Casseroles en cuivre et shelters en verre
Marie et Simon sont à Modave, à la Roseraie, une villa du XIXesiècle qui a des airs de manoir. Là, pendant quarante ans, Vincent Trignon et son épouse Madeleine ont cultivé la perfection artisanale d’une gastronomie de beaux produits et de grands principes. Le chef a toujours cuisiné à l’ancienne, en prenant son temps et dans des casseroles en cuivre. Il porte encore parfois la toque partant en cheminée. Il a aujourd’hui cédé les clés du garde-manger à sa fille, une autre Marie, qui vivait à Londres et qui est revenue au pays pour assurer la succession. C’est elle et son mari anglais qui ont fait construire ces drôles d’hébergements qu’ils appellent shelters, abris en bon français. Elle faisait carrière dans l’événementiel. Pour passer en cuisine, elle est retournée à l’école et s’est offert de bons maîtres. La transmission se passe bien. L’héritière ne cherche pas à effacer l’ardoise et à tout changer. Elle inscrit dans tous ses menus le gratin dauphinois de son père. Celui-ci comprend l’évolution, goûte et le plus souvent applaudit les créations de sa fille.
Dans une blancheur sertie de noir
Marie et Simon s’installent dans la salle à manger de cette maison de famille hors du temps où le design et le contemporain ont su se faire harmonieusement une place, dans une blancheur sertie de noir: marbre et aluminium, tables en résine blanche incrustée de touches dorées, granito, moquette grisée et chêne clair au sol. Le menu est en parfait accord avec le décor. La sardine est présentée avec des fines tranches de melon roulées et de la betterave cuite au four dans un vinaigre balsamique. Le carpaccio de thon, auquel l’oseille apporte un peu d’acidité, est accompagné d’asperges et d’un œuf pané et frit. Pour le filet de maigre: chips d’ail rose et jus d’écrevisses. Le veau rôti est garni de moelle travaillée à l’échalote, persil, beurre et chapelure. Le prélude au dessert tourne autour de l’abricot. La dernière douceur est l’occasion pour la chef de saluer ses clients: elle vient à la table garnir elle-même la mousse au chocolat de trois quenelles de glace et de sorbet.
Marie et Simon ont traversé le parc aux arbres centenaires pour prendre le café dans les vignes de la serre datée de 1875 qui a été aménagée en salon. Il est 23 h. Elle est un peu fatiguée. Elle le prie de la reconduire dans le luxe et la sérénité de leur clocher sans église.