Le corps humain peut-il s’adapter à la chaleur?
L’espèce humaine pourrait-elle s’adapter au réchauffement climatique, durablement ? Explication du Pr René Rezsohazy, biologiste.
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Publié le 17-06-2022 à 15h40 - Mis à jour le 17-06-2022 à 15h45
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Oui, il se pourrait que l’homme évolue et s’adapte aux vagues chaleurs, si elles venaient à se répéter.Mais pas subitement. " L’évolution c’est des changements dans la distribution de certains variants génétiques ou de leur combinaison, dans la population , explique le Pr Rezsohazy, généticien (UCLouvain). L’espèce humaine est très fortement brassée car on bouge beaucoup plus qu’avant.Et il y a des millions de variants pour des milliers de gènes ."
Les variations génétiques peuvent conférer un avantage ou un désavantage. " L’adaptation n’a un effet sur l’évolution que s’il y a sélection, autrement dit, succès en termes de reproduction. La personne qui a un variant avantageux aura plus de chance de transmettre ce variant avec un bon succès reproducteur. Ça, c’est la sélection positive. A contrario, la sélection négative, c’est si la mutation affecte les chances de reproduction voire rend stérile par exemple. Dans ce cas extrême le succès est de zéro, le variant n’est pas transmissible. "
Quelle évolution pour l’espèce humaine?
La question n’est pas triviale, selon le spécialiste. " D’un point de vue biologique, il n’y a aucune raison de penser que l’espèce humaine n’évolue plus, parce qu’il y a des variations qui apparaissent toujours. Mais la culture – les maisons, le chauffage, la clim – fait que la sélection naturelle a moins d’emprise."
"Typiquement, on le voit avec la médecine: il y a des tas de maladies qui pourraient être fatales à de nombreuses personnes voire qui pourraient éradiquer des populations." Le biologiste prend l’exemple du coronavirus: "En Asie orientale, des données génétiques suggèrent que l’exposition à des épidémies passées causées par des coronavirus ont laissé comme héritage une meilleure résistance à ces virus ."
L’évolution, pour quand?
La sélection étant moins forte, et la population très grande, difficile de dire combien de temps il faut pour une évolution génétique." C’est du temps long , dit le Pr Rezsohazy. Par contre, on observe des modifications sur du temps court, dans des petites populations – des populations insulaires. Parce que quand il y a peu d’individus, une mutation favorable se dissémine beaucoup plus vite, à l’échelle de quelques générations et non de millénaires ."
La modification génétique, qui pourrait prendre des millénaires, n’est pas la seule source de changement. Une variation due à la plasticité phénotypique, plus rapide, est fort probable. " On peut s’adapter à faire un trecking en haute altitude.Ce n’est pas une adaptation génétique ni une variation du patrimoine héréditaire. "
Ce changement du phénotype peut quand même avoir un petit rapport avec l’ADN… avec l’épigénétique (l’étiquetage des gènes). Cela a été le cas après la famine aux Pays-Bas en 1944." La génération suivante, qui a vécu les carences in utero, a été “programmée” à prendre tout ce qu’elle pouvait.Ce changement de métabolisme a provoqué surpoids et diabète en une seule génération. " Ces variations épigénétiques n’ont selon le Pr Rezsohazy probablement pas d’impact sur le temps long. " Les seules qui ont un impact sur le temps long sont probablement les vraies mutations génétiques ."
Peut-on s’adapter à la chaleur?
Pour le généticien, la réponse est oui." Toutes les populations n’auront clairement pas la même chance.Les populations qui sont plus régulièrement confrontées au chaud s’adapteront plus facilement.Mais ce n’est pas une évolution sur le temps long ."
On est dans l’épigénétique: la chaleur, la sécheresse peuvent avoir une influence sur l’étiquetage des gènes et leur façon d’interagir avec l’environnement.
Et une influence de l’évolution de l’homme au sens darwinien: mutation-adaptation-sélection et succès reproducteur? " Pour que cela arrive, il faut des vagues de chaleurs suffisamment fortes et fréquentes pour influencer la diversité génétique des populations par le biais de la sélection. "
Il faudrait donc que la chaleur influence le succès reproducteur de certains individus par rapport à d’autres. " Par exemple si les canicules peuvent affecter la survie ou les fonctions reproductrices de certains individus, et pas d’autres, à ce moment là on pourrait voir évoluer la distribution des variants de gène dont ils sont dépositaires. " Mais cela, seules les générations futures le sauront.