En Meuse coule aussi la bière
Au nord de la France, la Meuse voit aussi renaître ses microbrasseries. L’occasion de se replonger dans le lustre du passé et de rencontrer les artisans du présent.
Publié le 02-09-2021 à 09h00
Accrochée au mur du Musée de la bière de Stenay, une carte attire le regard. Des centaines de points y attestent de l’implantation massive des brasseurs artisanaux dans le nord de la France. On y comptait encore 1 929 brasseries au début du XXe siècle, soit les deux tiers des enseignes de l’ensemble du pays. Deux guerres mondiales plus tard, avec l’industrialisation et les regroupements, il n’en restait que quelques dizaines en 1950, dont une poignée en Meuse.
Installé dans l'ancien magasin aux vivres de la citadelle de Stenay, transformé en malterie en 1879, ce musée qui est le plus grand d'Europe consacré aux traditions brassicoles retrace avec soin et panache l'histoire des techniques de fabrication de la bière à travers les âges, de ses arômes et matières premières, de la découverte fortuite de la fermentation dans l'Antiquité jusqu'aux reconstitutions des ambiances typiques des bistrots de la grande époque. Sur 2 500 m2 d'exposition, des machines à l'ampleur impressionnante et des dizaines de milliers d'objets sauvegardés – notamment des supports publicitaires les plus divers dont on mesure avec intérêt qu'ils n'ont pas toujours ciblé «les hommes qui savent pourquoi» –, témoignent de la fécondité de cette industrie qui, aujourd'hui, renaît de ses cendres.
L’essor des microbrasseries
Comme en Belgique, l’essor des microbrasseries permet à ce breuvage antique qu’est la bière de retrouver dans des alchimies inventives ou la redécouverte des recettes d’antan, par le savant mariage de l’orge et du houblon, des eaux, des levures et des épices, ses lettres de noblesse perdues dans les affres de l’industrialisation forcenée.
La visite, que l’on vous conseille guidée, se termine sans faux col, et comme il se doit de tout amateur de bière, par une dégustation sur l’agréable terrasse de la taverne attenante. Seul endroit où vous pourrez savourer, parmi un large choix de bières artisanales, l’excellente Charmoy blonde au fût ou la bière de Stenay, une ambrée brassée par La Choulette pour incarner les saveurs de ce musée d’exception.
Musée de la bière, 17 rue du Moulin à Stenay, www.museedelabiere.comOffice du tourisme du Pays de Stenay Val Dunois, tourisme-stenay.comMeuse Attractivité, www.lameuse.fr

Bien inspiré, il a effectué un stage en 2002 à la brasserie d'Orval, de l'autre côté de la frontière. «J'ai accroché sur leur produit, leur manière de travailler et surtout leur état d'esprit, leur vision, explique ce passionné. Je suis parti sur une blonde, point barre.» Mais pas une imitation. Fraîche, goûteuse, houblonnée sans excès, elle a son caractère propre. Le nom, Charmoy, évoque le domaine. Parcours classique: premiers brassins dans des casseroles, avant d'aménager la laiterie de la ferme. «Ça a commencé à bien se vendre. En 2007, j'ai ajouté une ambrée, par goût personnel.» Mais toujours «dans l'esprit agricole auquel je tiens beaucoup». L'orge est produit sur place, dans l'exploitation. Il est malté en Belgique. Le houblon provient d'Alsace. «Je voudrais le faire pousser aussi, mais j'ai beaucoup de boulot.» Alain travaille seul pour produire les 300 hectolitres, 90 000 bouteilles. «Je ne fournis pas les grandes surfaces. Je veux que mon produit soit bon, mais reste rare.» L'esprit d'Orval, en plein.


Depuis 20 ans, son père jouait au brasseur artisanal dans un club de copains. Pourquoi ne pas en faire un métier? «J'ai fait pas mal de formations avec mon père. Après, c'est du travail chimique, un degré fait la différence, une levure aussi», dit-il en lavant une des fioles qui garnissent le minuscule local de la microbrasserie. Plusieurs médailles sont venues récompenser les créations de la Dunoise (notamment sa blonde IPA) qui mise sur le bio. La production a atteint 220 hectolitres l'an dernier. «Le Covid nous a un peu freinés, mais on progresse tous les ans. L'idéal serait d'atteindre 750 hectolitres pour pouvoir se salarier. On est encore bénévoles. Mais on a de plus en plus de demandes et pour y répondre, le souci c'est de changer de bâtiment et d'avoir la capacité d'accueil nécessaire.» Un déménagement à l'entrée de Dun était en cours. Avec des investissements à la clé, mais en conservant «notre éthique locale et écologique».

