Décryptage | L’appel du col de Bart De Wever
Costume taupe, cheveux bien peignés et littérature sous le bras, Bart De Wever est arrivé, hier, d’un pas décidé au palais royal. Normal… Mais quelques détails vestimentaires n’ont pas échappé aux observateurs qui ont décodé ce costume loin d’être innocent.
Publié le 28-05-2019 à 17h34
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Certains penseront qu’un costume est un costume. Bleu, gris, noir ou beige, peu importe, il s’agit toujours d’une veste et d’un pantalon qui, rehaussé d’une cravate, font toujours bonne impression.
Mais rien n’est moins sûr lorsqu’il s’agit de Bart De Wever. Se rendant au palais royal, hier, pour y rencontrer le roi Philippe, le président de la N-VA a choisi CE costume: taupe, pas trop mal coupé, épousant une ligne qu’il se tue à entretenir, le deux-pièces taillé par Guy-David Lambert était orné d’un col, d’un revers de pochette, de boutons et de revers de poches bleu Klein!
Impossible dans un tel apparat de passer inaperçu et c’est bien ce que De Wever espérait.

En quelques heures, les photos se sont propagées sur les réseaux sociaux et beaucoup se sont mis à comparer le président de la N-VA au capitaine Von Trapp, personnage de «La Mélodie du bonheur».
«Le rempart contre la montée de l’extrême droite»

Une comparaison que Nicolas Baygert, chercheur et enseignant en communication politique à l’IHECS et à l’ULB décrypte: «Dans “La Mélodie du bonheur” qui se déroule durant le IIIe Reich, si je ne me trompe, le capitaine Von Trapp est un fervent opposant du nazisme. En adoptant un costume qui s’y apparente, on peut penser que Bart De Wever envoie un message: dans un contexte où l’extrême droite est donnée comme gagnante des élections, il serait le Von Trapp de la nation, le rempart contre la montée de l’extrême droite.»
Mais au-delà de cette référence cinématographique, Nicolas Baygert pousse la réflexion plus loin et parle du «völkisch», terme qui désigne l’âme identitaire d’un peuple. «C’est un terme germanique un peu abstrait qui fait référence à la célébration d’une culture nationale presque nostalgique et liée à un peuple et à ses traditions.»
Cette notion «völkisch» se retrouve dans les costumes en Bavière ou en Autriche. «En choisissant ces vêtements-là, Bart De Wever fait plus qu’enfiler un costume, il marque sa volonté de se démarquer et de façonner un personnage politiquement hors-norme.»
Une couleur qui en dit long
On sait que Bart De Wever ne laisse jamais rien au hasard. Le choix de ce costume n’en était pas un. «C’est un peu un pied de nez au Vlaams Belang, poursuit Nicolas Baygert. En faisant référence au völkisch, Bart De Wever fait appel au sentiment d’appartenance à une communauté. Il montre que l’appartenance à une communauté passe par des références ethnoculturelles comme la langue mais pas que...»
Et le chercheur en communication politique de rappeler qu’en son temps, Jörg Haider et les leaders de la FPÖ portaient ce genre de costume tout le temps.
Ainsi vêtu, Bart De Wever veut faire comprendre qu’il possède une dimension supplémentaire aux autres femmes et hommes politiques. «On peut parfaitement se créer une identité par le vêtement. Il contribue à la création d’un personnage, d’un mythe presque. D’autant qu’aujourd’hui Bart De Wever est à la manœuvre et ce choix vestimentaire peut l’installer dans un rôle supra-partisant.»
Quant au choix de la couleur, Nicolas Baygert ne veut pas passer pour un prophète mais fait remarquer que son col n’était ni vert ni rouge. «On pourrait presque penser qu’il s’agit d’un appel du col à une formation politique bien précise.»