Docteur Pierre et Mister Palmade
À 51 ans, l’humoriste surdoué dresse un inventaire «globalement positif»de trente ans de métier dans «Dites à mon père que je suis célèbre».
- Publié le 24-05-2019 à 09h51
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Il y a deux Pierre Palmade. L'artiste qui connaît le succès dès 19-20 ans, rencontrant ses idoles d'enfance: Sylvie Joly, dont il devient l'élève, et Jacqueline Maillant, pour qui il écrit son dernier rôle dans Pièce montée. Il cosigne avec une humoriste débutante, Muriel Robin, des sketchs devenus cultes, comme Le Noir ou L'Addition. Tout en créant son premier one-man-show, Ma mère aime beaucoup ce que je fais, après s'être imposé dans La Classe présentée par Fabrice sur FR 3.
«Vous vous rendez compte? s'enthousiasme-t-il aujourd'hui avec le recul des années. J'arrive de Bordeaux, je débarque gare du Nord et je rencontre celles que je voyais enfant à la télé! Je savais que j'étais drôle, mais je ne rêvais pas de devenir une star ou d'être célèbre grâce à la télé. Je voulais jouer tous les soirs au théâtre, comme les acteurs que je voyais dans Au théâtre ce soir, ou faire du café-théâtre.»
Face sombre
Et puis survient l'autre Palmade, sa face sombre. La célébrité précoce et soudaine, et l'argent qui vient avec le rendent «intouchable». S'ensuivent l'alcool, la drogue et les garçons, lui-même assumant mal son homosexualité (lire ci-contre). «Pour la cocaïne, je n'ai rien vu venir, confesse-t-il. J'en prenais sans me méfier, en me disant que je pourrais arrêter quand je le voudrais. C'est faux. C'est une bombe à retardement, une véritable maladie dont je suis devenu dépendant.» Quand il écrit, il est «clean». Mais pas forcément quand il joue, par exemple avec Dominique Lavanant, dans une pièce qu'il a écrite pour elle, Ma sœur est un chic type, ou avec Michèle Laroque dans Ils s'aiment.
Bourré et drogué
En 2005, sa participation à l'émission de Frédéric Lopez, Rendez-vous en terre inconnue, qui l'envoie vivre dix jours parmi les Touaregs, puis la pièce de théâtre écrite par Laurent Ruquier, Si c'était à refaire, le conduisent à se sevrer. Définitivement, espère-t-il. Mais il rechute. «C'était comme Docteur Jekyll et Mister Hyde: sur scène, j'étais un bourgeois bordelais bien propre sur lui, le reste du temps, je ne cessais de faire la bringue, en permanence bourré et drogué.»
Sincère
De tout cela, il parle avec une touchante sincérité dans son livre, Dites à mon père que je suis célèbre. Il y dit sa vérité, pour éviter que les autres ne le fassent à sa place. «Si je meurs en vous quittant, je veux que tout ait été dit, s'amuse-t-il. Et puis, tant qu'à dire du mal de moi, je préfère que ce soit moi qui le fasse.» Quitte à déplaire à certains, alors que, depuis trente ans, il veut plaire à tout le monde. «Je ne parviens pas à me contenter de mon public. Chaque fois que j'écris un nouveau sketch, je pense qu'il pourrait peut-être plaire à ceux qui ne m'aiment pas.» Tout en étant «obsédé» par la postérité. «Dans deux cents ans, j'aimerais que l'on joue encore mes sketches. C'est pour cela que je ne parle pas de l'actualité, afin qu'ils soient intemporels.»
Une question le taraude pourtant: que penserait aujourd'hui son père, médecin mort dans un accident de voiture en revenant d'un accouchement lorsqu'il avait huit ans, de l'adulte qu'il est devenu? Il pronostique: «Il aurait sûrement aimé mon métier. Ma vie, je ne sais pas.»
Pierre Palmade, «Dites à mon père que je suis célèbre», Harper Collins, 202 p., 21€