Ils ont quitté leur carrière pour le bois

Véronique Wouters était historienne de l’art, Martin Sikkink ingénieur de gestion. Après un début de carrière dans la branche qui correspondait, chacun a décidé de mettre sa carrière de côté pour travailler le bois. Ça se passe dans deux coins différents de Belgique, à des années d’écart mais avec la même passion.

Véronique Wouters est historienne de l'art, spécialisée en art contemporain. «Après mes études à l'ULB, j'ai monté une entreprise de communication culturelle avec des amis.» Les contrats se succèdent: il y a des expositions en entreprise… Puis un jour arrive un fabuleux défi: réaliser le pavillon belge à l'exposition universelle de Séville. Mais le contrat qu'ils ont décroché n'est pas le rêve espéré: les querelles communautaires s'emmêlent, et le contrat leur échappe. Cette étape a forcé Véronique à prendre du recul: «Mes petites filles, des jumelles, avaient un an. Je partais le matin à 7 heures pour Bruxelles et je revenais à 19 heures.»

Véronique Wauters décide de changer de vie. Elle s'inscrit comme demandeuse d'emploi et suit une formation du Forem en menuiserie à Grâce-Hollogne. L'idée était déjà présente, mais elle avait été enterrée lors des études universitaires: «Avant, j'avais déjà envisagé de faire l'école des arts et métiers à Bruxelles, au moment de choisir mes études…» Suivent des stages en entreprise, qui la confortent dans son choix: elle fabriquera des meubles. Cinq ans après sa conversion dans le bois, en 1997, elle s'associe à Monsieur Green, menuisier, au sein de la SPRL Wouters et Green. Cette association lui donne de facto l'accès à la profession.

Sa petite entreprise

Au début, ce sont les amis, la famille qui lui commandent des meubles. «Une fois que j'ai un client, je suis amenée à le revoir plusieurs fois: je fais d'abord un meuble de salle de bain, puis un dressing, une bibliothèque…»

Aujourd'hui, Véronique travaille sans Mr Green – qui a quitté l'entreprise en 2000 – mais avec trois menuisiers. « Robert, le chef d'atelier, est le plus ancien. Il a commencé à 14 ans et il est extrêmement doué. Il est capable de faire des escaliers tournants, il peut travailler les fers pour faire les portes à l'identique, avec les mêmes moulures… Pierre travaille avec nous depuis dix ans, c'est une très bonne recrue. Et je suis sûre que le plus jeune, qui nous a rejoints il y a deux ans et demi, va continuer à développer son talent. Il est à bonne école!»

Aujourd'hui, Véronique fait moins de menuiserie, plus de devis, de prises de mesures, de rencontres avec les clients. «On dessine et on fabrique tout nous-même. Sauf quand on travaille avec un architecte, qui nous donne ses plans. Je rencontre deux à trois fois les clients, car on fait du sur-mesure. Quand je leur fabrique un dressing, je dois savoir comment ils rangent leurs vêtements. »

Grâce au passage au numérique, elle a gagné du temps sur l'étape du dessin, pour en consacrer davantage sur les détails, la marqueterie, l'incrustation, l'alignement d'un placage. « J'apprends tous les jours et c'est ça qui est gai: les choses évoluent, le dessin, la quincaillerie, la clientèle. Pour les essences, on s'adapte à l'intérieur des clients. C'est souvent du chêne… Mais là, on va faire un ensemble bureau, bibliothèque, meuble télé en noyer. On voit une évolution: au début, on nous demandait des formes arrondies, et maintenant, on est plus sur du carré. Mais quand je vois ce qu'on a fait il y a 15 ans, je trouve toujours que c'est beau.»

Comme la mésaventure du contrat de l'expo universelle avait mis fin à la première entreprise de Véronique, Wouters et Green a failli partir en fumée, quand un incendie a complètement détruit l'atelier il y a quatre ans. Mais les hommes de Véronique lui ont donné l'énergie nécessaire pour redémarrer. «Ils sont venus me trouver, et on a racheté un nouvel atelier il y a trois ans

http://www.woutersetgreen.be

Moins de doigté, mais plus d'ouverture

Sa faiblesse «Par rapport aux jeunes qui apprennent la menuiserie à l'école, j'ai moins de dextérité, il me manque les automatismes, que l'on acquiert en commençant très jeune.

C'est comme quand on apprend le ski à 30 ans, on est moins souple, moins fonceur qu'à six ans… La menuiserie est un métier complexe, il faut avoir un esprit mathématique, être soigneux, être intelligent, inventif, avoir une bonne vision de l'espace en 3D. Il faut de la patience et de la force physique.»

Sa force «Je ne regrette pas mon cursus. L'histoire de l'art m'a apporté une ouverture d'esprit, que je continue à entretenir en allant voir des expositions, des spectacles de danse contemporaine… Mes études m'ont appris à travailler, car il y avait beaucoup à étudier. Et puis, la première société que j'ai montée m'a appris beaucoup au niveau du management. »

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