Optimistes oui, béats non !
Celui qui pense que «l’optimisme, il suffit d’y croire» n’a pas papoté, ne serait-ce qu’un instant, avec Luc Simonet, fondateur de la Ligue des optimistes.
Publié le 17-04-2014 à 07h50
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«Je ne m'érige pas en donneur de leçons. Il n'y a rien de plus emm… »
Luc Simonet est avocat d'affaires. «Était» avocat d'affaires. Un jour, il lui a manqué la flamme, l'enthousiasme. «J'ai invité mes collaborateurs à déjeuner. Je leur ai annoncé que je prenais un peu de recul, une année sabbatique. Ahem… C'est devenu un septennat sabbatique.»
Comment se retrouve-t-on un jour de 2005, après un tournoi de golf remporté en équipe à Utrecht, à rédiger les statuts de la Ligue des optimistes du royaume de Belgique? (« Ligue, parce que c'est plus combatif qu'association, royaume pour le lyrisme et le côté belgicain que j'assume ».)
Bon. C'est le coup du parapluie. Ou l'histoire d'un jour de vacances pluvieux en Toscane. Ses enfants savent par avance ce qu'il va dire: «On ne dit pas: "Oh zut, il pleut!" On dit: "Quel beau jour de pluie!"» Simplement, ce jour-là, il précise qu'on devrait imprimer ça sur des parapluies. Sa fille balance un «Chiche!». Résultat: 50 parapluies imprimés au retour. «What a quite positive idea», salue un joueur de golf, le jour du fameux tournoi d'Utrecht. «Le lendemain, donc, j'écrivais les statuts de la ligue», sourit-il.
Depuis, ça s'emballe, ça s'emballe: 4 500 membres en Belgique, une newsletter envoyée à 17 000 personnes, des petites sœurs de la Ligue belge des optimistes nées aux Pays-Bas, en Allemagne, en France (avec des recrues comme Jean d'Ormesson, Éric-Emmanuel Schmitt…), en Espagne, en Suisse à Monaco, au Bénin…
Une association internationale de droit belge a été créée: c'est la structure faîtière «Optimistes sans frontières», qui a été agréée il y a deux mois en qualité de… membre consultatif du Conseil économique et social de l'ONU. « On est un peu fier!»
Mais c’est quoi, la Ligue des optimistes? Le gang des Schtroumpfs joyeux? Vous allez voir que non.
«La pire des pollutions»
« L'optimisme, c'est le contraire du pessimisme bien sûr, mais aussi du cynisme et de la résignation, qui est la pire des pollutions », prévient Luc Simonet. « Il ne sera bientôt plus possible, pour nos enfants, de vivre dans cette société de surconsommation de biens à faible valeur ajoutée. Nous avons un devoir impérieux d'inventer un nouveau modèle.»
Luc Simonet parle de créativité, d'évolution des consciences, d'idées à diffuser «avec légèreté »… « Une ville comme Bruxelles qui tolère encore 3 000 SDF, c'est de la barbarie.» Il a d'ailleurs ce projet Diogène qui se tricote avec l'architecte Luc Schuiten: «On va chercher à obtenir de petits terrains pour y aménager des habitations pour les SDF: un point de chute, une adresse, de quoi prendre une douche. »
L'avocat enchaîne avec aisance. Et virulence. Il évoque «ce capitalisme financier, en train de devenir fou. Il va devoir disparaître comme le communisme est mort de son cynisme, s'il n'évolue pas vers davantage de fraternité.» C'est politique? « Je m'en fous. Toute la vie est politique. L'idée, c'est de faire évoluer les choses. »
L'ONU, les SDF, le capitalisme… On est loin d'un atelier occupationnel nunuche pour optimistes béats. « Je suis contre l'optimisme béat, c'est tout à fait con.»
Le fil du rasoir
Au fait, c'est du boulot, l'optimisme. Pas une sinécure. « En réalité, je suis toujours sur le fil du rasoir. Parce que c'est difficile d'être optimiste. » La première des valeurs de la Ligue: la responsabilité. «Je suis le maître de chacune de mes pensées. Et pas l'inverse. Je suis une personne libre. Si j'ai cette liberté, je suis une personne responsable. De ma vie, de mon bonheur, de mon environnement.» Au passage, Luc Simonet se dit aussi adepte de l'imperfection. Parce que c'est l'argument de la perfection qui fait si souvent dire «oui mais…». «Et un "Oui, mais", c'est "Non, parce que". Ce qui est parfait pour ne jamais rien commencer.»
«Oui mais», bon allez, au fond, certains sont mieux formatés que d'autres pour entrer en Optimistan, non? Luc Simonet n'y croit pas. « L'optimisme n'est pas une aptitude congénitale au bonheur qui nous affranchirait des problèmes douloureux et des grands chagrins de notre vie. L'optimisme est un apprentissage. »P.S.