Pourquoi en Belgique ne peut-on pas rouler au bioéthanol comme en France ?

L’Avenir vous répond : Christian s’interroge sur l’utilisation du bioéthanol comme carburant

Pauline Denys
Toutes voitures ne peuvent pas rouler au bioéthanol. Il faut parfois faire installer un boîtier de conversion adapté.
Toutes voitures ne peuvent pas rouler au bioéthanol. Il faut parfois faire installer un boîtier de conversion adapté. ©BELGA


Bonjour Christian,

Avec la crise énergétique et la hausse des prix des carburants en 2022, de nombreux automobilistes français, mais aussi belges se sont rués sur le superéthanol E85 dans les stations-service françaises. Il s’agit d’un biocarburant issu, en partie, de la transformation de matières végétales agricoles comme les céréales. Si sa production participe à faire vivre une partie de l’agriculture en France et sa consommation est plus écologique, nous ne sommes pas prêts à commercialiser le carburant à base de bioéthanol chez nous. Pourquoi ?

Il n’y a pas de norme belge

Il n’existe tout simplement pas de norme chez nous pour mettre le bioéthanol sur le marché belge. Il serait possible d’en introduire une calquée sur le modèle européen, mais il n’y a pas de volonté politique chez nous. “C’est très vite fait. Ça peut se faire via arrêté royal mais on n’a pas eu, à ce jour, de politique favorable à ce sujet”, explique Hendrik Lemahieu, secrétaire générale de l’Association belge du bioéthanol. “Et même si on avait une norme, il faudrait que les pétroliers veuillent distribuer le produit. Cela poserait encore problème au niveau logistique parce qu’il faudrait installer de nouvelles cuves dans les stations-service.

Il n’est pas interdit pour les Belges de s’approvisionner en bioéthanol comme carburant en France. Mais attention, il faut généralement faire installer un boîtier de conversion adapté sur son véhicule. “Cela permet de régler la valeur énergétique de l’E85 qui est un peu plus faible que la 95 E10”, précise Olivier Neirynck, directeur technique de la Fédération belge des Négociants en Combustibles et Carburants (BRAFCO).

Il faudrait qu’une défiscalisation soit actée

Même si le gouvernement fédéral décidait de rendre disponible l’E85 dans nos stations-service, le prix resterait un problème. “On passe facilement au-dessus de 2 euros/le litre. Il faudrait alors faire comme en France : défiscaliser les accises à un niveau très bas”, explique Hendrik Lemahieu. L’E85 bénéficie effectivement en France d’une fiscalité plus basse que les autres carburants à la pompe. “Ça fonctionne là-bas, mais chez nous, le ministère des Finances, ces dernières années, n’était pas favorable à cette défiscalisation, poursuit Hendrik Lemahieu. “En France, les accises sur la partie éthanol ont été baissées à 0 et les accises sur la partie essence restante ont été mises au minimum européen : 36 euros par mille litres. (En Belgique, les taux se situent entre 50 et 56 euros les milles litres). On arrive ainsi à un prix bas entre 80 cents et 1 euro/le litre.

Chez nous, il faudrait donc qu’une normalisation soit introduite, mais également qu’une défiscalisation soit actée pour que le bioéthanol intègre le marché. Et même si ces conditions étaient remplies, notre pays n’a pas le même profil agricole que la France, qui a suffisamment de terres exploitables pour pouvoir “nourrir les véhicules” en bioéthanol.

Contrairement à la France, nous n’avons pas de surplus de céréales

Le bioéthanol est produit principalement à base de matières agricoles comme le blé, le maïs, mais également les betteraves. Il existe également le bioéthanol avancé qui est produit à partir de déchets. Pour certains, il s’agit du carburant le plus écologique. “Le cycle d’utilisation du bioéthanol permet de réduire les émissions de CO2 par rapport à l’essence (en moyenne plus de 60 %) ”, indique le SPF Economie. Mais pour d’autres, sa production risque de faire augmenter les prix des matières premières agricoles.

A l’origine, le bioéthanol a été utilisé pour absorber les surplus de production de céréales de l’industrie agricole française. L’E85 permet, dans une certaine mesure, de soutenir les exploitations agricoles locales et d’ainsi financer l’agriculture française. Selon Hendrik Lemahieu, “la production de bioéthanol est avantageuse pour le monde agricole parce que grâce à ça, ils ont un débouché qui est garanti”.

Cela dit, la Belgique produit aussi de l’éthanol que l’on retrouve à hauteur de 5 % ou 10 % dans notre essence E5 et E10. Mais pour le fabriquer, nos industriels ont besoin de céréales qui proviennent de terres agricoles en dehors de la Belgique. “La Belgique n’a pas d’excès de céréales comme en France. Et cela ne sert à rien d’avoir une dépendance totale de l’E85 française. S’il y en a, autant la produire au niveau belge. Mais cela nécessite de trouver d’autres sources de production d’éthanol que les céréales parce qu’on n’en aura pas assez en Belgique”, explique Olivier Neyrinck.

Le bioéthanol n’est pas la priorité

En résumé, notre gouvernement fédéral n’envisage pas d’autoriser la commercialisation de bioéthanol dans les stations-service en Belgique. Le débat est d’autant plus compliqué que l’Union Européenne a acté la fin des moteurs thermiques d’ici 2035. “S’il n’y a pas un retour en arrière en 2026, comme c’est prévu dans cet accord au niveau du Parlement européen, le secteur pétrolier ne va pas investir des milliards pour développer de nouveaux carburants”, affirme Olivier Neyrinck.

Le directeur technique de la BRAFCO espère qu’une réflexion sera menée pour maintenir et soutenir un mix énergétique dont le bioéthanol peut faire partie. “Le bioéthanol, le biodiesel, le bio-CNG, le biogaz et l’hydrogène : ce sont les produits qui vont permettre d’arriver aux objectifs de neutralité carbone de 2050, mais il faut ouvrir ses yeux sur les possibilités technologiques pour mettre en place une politique cohérente”.

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