Comment se fait-il que les taux d’intérêt de nos comptes d’épargne soient beaucoup plus bas que ceux en France ?

L’Avenir vous répond : Roland s’étonne de la différence de la rémunération de l’épargne entre la Belgique et la France

Pauline Denys
<p>Des livrets A photographiés le 30 juillet 2015 à Lille (Nord)</p>
Le livret A, en France, est une mesure qui permet de soutenir l'épargne populaire ©AFP/Archives


Bonjour Roland,

Vous n’êtes sûrement pas sans savoir qu’en France, le taux d’intérêt sur le livret d’épargne A passera à 3 % à partir du 1er février 2023. Il s’agit de son taux le plus élevé depuis 15 ans. Dans notre pays, les meilleurs comptes d’épargne proposent entre 1 % et 1,60 % de rémunération sur un an.

En Belgique, le marché fixe les taux d’intérêt avec un minimum légal de 0,11 %

Chez nous, la banque Belfius a été la première des quatre grandes banques belges à relever le taux de ses comptes d’épargne en décembre dernier. Le taux de base et la prime de fidélité sont passés respectivement de 0,01 à 0,35 % et de 0,10 à 0,15 %, pour un rendement global de 0,50 %. ING, KBC et BNP Paribas ont suivi pour passer de 0,11 % (le taux d’intérêt minimum légal) à un rendement global sur les comptes d’épargne classiques de 0,25 % jusqu’à parfois un peu plus de 1 % pour certains comptes comptes d’épargne aux conditions spécifiques.

Mais pour avoir un taux d’intérêt qui atteint les 1 %, il faut, en général, se tourner vers les plus petites banques comme Keytrade qui a remonté ses taux fin novembre : un taux de base à 0,30 % et une prime de fidélité, pour les clients qui laisseront leur argent sur le compte toute l’année, à 0,70 %, soit un total de 1 %. Chez Santander Consumer, le compte “Vision + ” atteint même les 1,60 %.

Historiquement, les petits acteurs de niche proposent des taux d’intérêt plus intéressants pour les épargnants belges que les grandes banques. En 2022, seuls 17 des 55 comptes d’épargne que l’on peut trouver en Belgique donnaient un rendement supérieur à 0,11 %.

En France, un calcul est appliqué en fonction de l’inflation

En Belgique, c’est donc le marché qui fixe les taux d’intérêt des comptes d’épargne. Quand la Banque centrale européenne augmente ses taux directeurs – comme c’est le cas depuis quelques mois, à cause de l’inflation – les grandes banques belges restent libres de décider du taux qu’elles appliquent pour leurs comptes d’épargne. C’est donc la concurrence qui pousse les banques à augmenter – ou non – leurs taux au-dessus du minimum légal de 0,11 %.

En France, c’est l’Etat qui fixe le taux du livret A. “Les banques françaises se plaignent régulièrement de ça, mais les Français y tiennent beaucoup parce que c’est une mesure pour soutenir le rendement de l’épargne populaire. Ça reste assez rare : la France est vraiment une exception dans le paysage européen”, explique Eric Dor, directeur des études économiques de l’IESEG School of Management à Lille.

Le 13 janvier dernier, le Gouverneur de la Banque de France a proposé au ministre de l’Economie d’augmenter le taux du livret A à 3 %, ainsi que celui du livret d’épargne populaire (LEP) à 6,1 %. C’est le retour de l’inflation qui déclenche le mécanisme de révision du taux d’intérêt du livret A.


Le livret A, c’est quoi ? Il s’agit d’un compte d’épargne rémunéré dont les fonds sont disponibles à tout moment. Son taux de rémunération est révisé deux fois par an, en janvier et en juillet. Un plafond est fixé à 22 950 euros pour les particuliers. En passant à un taux de 3 %, les épargnants ayant un livret A avec ce plafond, peuvent obtenir 688,50 euros d’intérêts sur un an. Pour la même somme de 22 950 dans un compte d’épargne belge au taux minimum de 0,11 %, l’épargnant reçoit 25, 24 euros.


Mais 3 %, ce n’est en réalité même pas suffisant pour contrer l’inflation

La formule de calcul du taux d’intérêt du livret A est la suivante : faire la moyenne des taux d’intérêt monétaire à court terme et la moyenne de l’inflation sur les 6 derniers mois, sans pouvoir descendre en dessous de 0,5 %.

En appliquant cette formule de manière stricte, on arrive en réalité à un taux de 3,30 %. Toutefois, le Gouverneur de la Banque de France peut proposer au ministre de l’Economie de réviser ce calcul. Le taux a donc été fixé à 3 % car “un taux trop élevé serait défavorable au coût de financement de l’économie française et notamment au financement du logement social et de la politique de la ville”, précise le site officiel de l’administration française. Cette rémunération de 3 % reste toutefois inférieure au pourcentage de l’inflation attendue en France qui devrait dépasser les 5 % en 2023, avec un pic à 7 % en début d’année, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Chez nous, le Bureau fédéral du Plan prévoit un taux d’inflation annuel à hauteur de 5,3 %.

En Belgique, nous n’avons donc pas d’équivalent au livret A. Pour Eric Dor, une solution “à la française” pourrait être envisagée, “mais le lobby bancaire s’est toujours battu pour qu’on ne fasse pas ce genre de choses”, explique-t-il. “Ce qui fait que la situation en Belgique est très dommageable pour l’épargnant”.

Bonne nouvelle pour votre argent : les taux des comptes d’épargne repartent à la hausse – L’Avenir (lavenir.net)

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