Giro 2023: les pieds dans l’eau mais la tête dans les montagnes : voici comment Remco Evenepoel peaufine sa préparation
Remco Evenepoel passe ses derniers jours avant d’aller au Tour d’Italie dans une chambre simulant l’altitude.
Publié le 29-04-2023 à 12h18 - Mis à jour le 30-04-2023 à 08h29
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“C’est extrêmement malin.” Marc Francaux, professeur de physiologie de l’exercice à l’UC Louvain, souligne à plusieurs reprises la logique des agissements de Remco Evenepoel, à moins de 10 jours du début du Giro.
Dès le lendemain de sa victoire à Liège-Bastogne-Liège, le Belge a pris l’avion pour la Costa Blanca en Espagne. Il passe actuellement plusieurs jours près de Denia dans le complexe Syncrosfera qui propose des séjours en chambre hypoxique simulant l’altitude. Il n’est pas le seul cycliste à profiter des températures clémentes de l’Espagne. Le Belge a d’ailleurs partagé une pause-café avec Mathieu van der Poel.
Evenepoel s’y entraînera jusqu’au 3 mai, date de son départ vers l’Italie. Ce crochet par Denia peut sembler étonnant, mais pourrait faire la différence dans les jours à venir. La preuve.
Quel impact sur son Giro ?
“Remco a passé le plus clair de ses derniers mois à Tenerife où il logeait en altitude, détaille Marc Francaux. Il y a augmenté son stock de globules rouges et donc son transport d’oxygène dans le sang.”
Rien de plus commun. Tous les cyclistes s’adonnent à des stages en montagne pour préparer leur saison. “Les effets sont notables, mais de courte durée, dit le professeur Francaux. On considère souvent qu’après trois semaines, ils commencent à s’estomper et les performances à diminuer.”
Un calcul rapide permet de comprendre que Remco aurait déjà perdu tous les avantages de sa longue préparation sur le volcan Teide dès la fin de la première semaine du Tour d’Italie. Grâce à son passage à Syncrosfera, il maintiendra les effets de l’altitude jusqu’au bout de la compétition.
La chronique d’Axel Merckx : “Par rapport à l’an passé, Remco est encore plus fort”Pourquoi n’est-il pas retourné dormir en montagne ?
La solution de facilité n’aurait-elle pas été de retourner à Tenerife où notre champion du monde a ses habitudes ? “Il aurait pu, explique Francaux. Mais il aurait à chaque fois dû descendre en voiture au niveau de l’eau avant de commencer son entraînement.”
Parce qu’Evenepoel rentre dans une phase d’entraînement avec des blocs à haute intensité. S’il travaille de cette manière en altitude, il risque de se brûler. “Le manque d’oxygène durant un entraînement en altitude force à réduire l’intensité. Ce qui est idéal en préparation foncière, mais pas si proche d’une compétition. En logeant au niveau de la mer, il peut sortir de son hôtel et faire ses entraînements à bloc.”
Et également davantage utiliser son vélo de chrono, une discipline qui pourrait faire la différence en Italie.
Y a-t-il une différence entre une nuit en montagne et en chambre hypoxique ?
Ce dernier stage en Espagne est d’autant plus taillé pour ses objectifs que l’effet d’une chambre en hypoxie est aussi efficace qu’un vrai séjour à la montagne. “Avec l’avantage qu’il peut, en fonction de ses résultats médicaux, simuler une plus haute altitude et donc en accroître les effets.”
Chez Syncrosfera, tout est pensé pour les cyclistes professionnels. Aleksandr Kolobnev, ancien pro, a fait les choses en grand en mettant à disposition un complexe de haut niveau avec des technologies poussées : l’altitude peut d’ailleurs être simulée jusqu’à 4500 mètres, ce qui est impossible à imaginer en stage. Francaux : “Le seul vrai défaut est que le sportif doit rester au moins 12 heures dans sa chambre et même 16 heures si possible. Le tout en évitant d’ouvrir la porte, car cela change la pression de l’air dans le lieu.”
Giro 2023 : les étapes clés qui attendent Remco EvenepoelVa-t-il dormir en tente hypoxique durant le Giro ?
Une alternative existe à ce genre de lieu, mais elle est impossible à utiliser lors de grands tours : des tentes hypoxiques. “Ce système n’a toutefois pas un rendement optimal, car il force les coureurs à l’utiliser uniquement dans leur lit. Être couché 12 à 16 heures par jour n’est pas possible”, prévient le professeur de l’UC Louvain.
Il y voit, par contre, un adjuvant pour “maintenir un peu plus longtemps les effets de l’altitude”. Remco n’aura toutefois pas le droit d’en faire usage durant le Giro. Ce genre de pratique est interdite en Italie.
Roglic a passé sept semaines en altitude
Le principal concurrent d’Evenepoel à la victoire finale sur le Giro est Primoz Roglic. Le Slovène a fait l’impasse sur Liège-Bastogne-Liège “par peur d’une chute”, a-t-il précisé à la télévision slovène et afin de ne pas surcharger son programme avec de multiples déplacements.
À la place, il a poursuivi sa préparation à Tenerife où il a passé sept semaines en altitude sans interruption depuis sa victoire (face à Evenepoel) au Tour de Catalogne. “Cette préparation devrait suffire”, dit le coureur de 33 ans.
D’ici au départ du Giro, il travaillera également avec son matériel de contre-la-montre, épreuve qui lancera la bagarre. “On aura des premières réponses [sur l’état de forme des favoris dès le premier soir, dit Roglic. Nous allons directement partir à la chasse aux secondes.”