Deux ans de pandémie: Cibler les comorbidités et déterminants sociaux plutôt que la maladie seule
Hôpitaux débordés faute de personnel, soins reportés, la crise sanitaire a lourdement impacté les soins de santé.
Publié le 16-03-2022 à 07h00
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Si la crise du Covid a essentiellement mis en lumière les failles existantes de notre système de santé, elle a aussi permis de réaliser quelques avancées, selon Jean Macq. " En termes de contrôle d'une épidémie, on a appris des éléments essentiels pour mettre en place des actions. On connaît désormais la charge d'une épidémie sur les soins intensifs ce qui devrait permettre de mieux prévoir l'organisation des soins dans le futur", avance le professeur à la Faculté de santé publique et à l'Institut de recherche santé et société (IRSS) de l'UCLouvain.
Autre enseignement: l'interconnexion indispensable entre l'hôpital, les secteurs des maisons de repos et la première ligne de soins (généralistes, kinés, infirmiers à domicile…). "Un des gros problèmes de notre système de soins de santé ce n'est pas la compétence de chacun des prestataires ni un problème de compétence au niveau des hôpitaux mais l'absence de connexion entre ces différents secteurs. Le système de santé futur devrait connecter tous ces prestataires à l'échelle d'un territoire. On parle d'ailleurs de créer des méseaux, un niveau intermédiaire entre le macro (Aviq et SPF Santé) et le micro (tout ce qui tourne autour du patient)."
Jean Macq pointe l'énorme focus mis sur le Covid et la prise de conscience "des effets délétères que cela pouvait avoir en termes de reports de soins et de santé mentale".
Si on veut être mieux armés face à de nouvelles épidémies, il faut travailler sur les inégalités de santé.
Ne pas tout miser sur le curatif
Élisabeth Paul, chargée de cours à l'École de santé publique de l'ULB, dénonce les travers d'un système de santé trop centré sur le curatif: "On ne s'est pas du tout occupé des comorbidités alors que c'est l'interaction entre le virus et l'état de santé des personnes quiest à l'origine de la crise sanitaire. Rien n'a été fait au niveau des comorbidités, au contraire, les Belges ont pris en moyenne 2 kg pendant la pandémie, la consommation de tabac et d'alcool a augmenté… Un système de santé performant met l'accent sur les soins de santé primaires, la prévention et la promotion de la santé. On a tout misé sur les hôpitaux, les conséquences à moyen terme de cette gestion sont énormes en termes de report de soins, de santé mentale."
L’importance des déterminants sociaux
Nos deux interlocuteurs s’accordent pour souligner que la gestion de la pandémie s’est essentiellement focalisée sur la dimension technologique et pharmaceutique du Covid en omettant une donnée importante, les déterminants sociaux.
"Quand on regarde l'histoire des systèmes de santé, on se rend compte que le soutien des technologies médicales n'intervient que pour une toute petite part dans l'état de santé des populations. Il y a des déterminants sociaux, généraux plus importants", note Élisabeth Paul qui attribue un bon point aux politiques pour les aides financières accordées à certains secteurs.
Plus vous êtes pauvres, moins vous avez accès à l'éducation et plus grand est votre risque d'être en mauvaise santé, résume Jean Macq. "Si on veut être mieux préparés à affronter de nouvelles épidémies, il faut sur le long terme travailler sur les inégalités de santéet favoriser cette solidarité entre les personnes qui s'est développée grâce au Covid."
Eduquer plutôt que contrôler
Pour Élisabeth Paul, il faut mettre en place "une vraie stratégie, en mettant autour de la table, non pas de pseudo-experts, mais les différentes parties prenantes pour trouver la solution la plus optimale possible selon les besoins de la population… tout en renforçant les capacités de cette dernière à prendre sa santé en mains. On a mis en place une politique de contrôle plutôt qu'une politique d'éducation, d'empowerment et de confiance et cela a été contre-productif. Quand un gouvernement fait confiance à la population, les mesures sont davantage adaptées aux besoins et mieux suivies par les gens."
Ces changements destinés à renforcer notre système de soins de santé s’imposent, nouvelle crise sanitaire ou pas, pour faire face à l’augmentation des maladies chroniques liée au vieillissement et à la paupérisation galopante de la population.